Kinshasa, 30 avril, 2024 / 9:00 PM
Les évêques catholiques de la République démocratique du Congo (RDC) suivent de près l'enquête judiciaire sur les allégations de "comportement séditieux" à l'encontre de l'archevêque catholique de l'archidiocèse de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo.
Le 27 avril, le procureur général de la Cour de cassation de la RDC, Firmin Mvonde Manbu, a publié une lettre ordonnant au procureur général du tribunal de district de Matete à Kinshasa d'ouvrir une enquête sur les allégations de "comportement séditieux" du cardinal Ambongo.
Dans cette lettre, M. Manbu accuse le cardinal congolais de tenir "un flot constant de propos séditieux lors de points de presse, d'interviews et d'autres sermons" qui, selon le procureur général, servent à "décourager les soldats des forces armées de la République" et à encourager "les mauvais traitements infligés aux populations locales par les rebelles et autres envahisseurs".
Il affirme que le cardinal Ambongo "viole délibérément les consciences et semble trouver du plaisir dans ces fausses rumeurs et autres incitations de la population à se révolter contre les institutions établies et les actes attentatoires à la vie humaine".
M. Manbu affirme en outre que le cardinal a décliné une invitation à son bureau le 25 avril.
Il poursuit en avertissant le procureur de Matete que le fait de ne pas enquêter sur le cardinal serait considéré comme "un acte de complicité avec les actes répréhensibles mentionnés".
Dans un communiqué publié mardi 30 avril, les membres de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) affirment avoir "reçu de nombreuses réactions des fidèles catholiques et d'autres hommes et femmes épris de justice, et même de certaines organisations de la société civile, en vue de clarifier la position de l'Église catholique, suite à la lettre partagée sur les médias sociaux".
"La CENCO suit de près cette situation et appelle toutes les parties à garder leur calme, car l'affaire est gérée de manière responsable par les autorités compétentes, dans le respect des textes légaux du pays, notamment l'Accord-cadre entre la RD Congo et le Saint-Siège, qui garantit un système de collaboration loyale et sincère entre l'Église catholique et l'État, au service du peuple congolais", indiquent les évêques catholiques de la RDC dans le communiqué partagé avec ACI Afrique.
Ils notent que "le lundi 29 avril, la Chancellerie de l'Archidiocèse de Kinshasa a confirmé avoir reçu une lettre du Procureur Général près la Cour de Cassation, avec une invitation au Cardinal, qui est cependant arrivée pendant l'absence de ce dernier, étant donné que l'Archevêque de Kinshasa, en sa qualité de Président du Symposium des Conférences Episcopales d'Afrique et de Madagascar (SCEAM), se trouvait à l'étranger entre le 23 et le 26 avril, comme l'attestent les services de l'immigration."
"Cela ne constitue donc pas un refus de répondre à l'invitation en question, ni un manque de considération pour la Justice", précisent les membres de la CENCO.
Ils implorent "que la Vierge Marie intercède auprès de son Fils pour la paix en RD Congo, et que le Seigneur bénisse notre pays, ses dirigeants et son peuple".
L'enquête judiciaire fait suite au message de Pâques 2024 du cardinal Ambongo dans lequel il décrivait le défi sécuritaire persistant en RDC et décrivait la nation centrafricaine comme "gravement malade" et dans le coma.
Il a critiqué les agences de sécurité de la RDC pour ne pas avoir été proactives dans la défense de la population et de ses biens. Le cardinal a déclaré : "Au-delà des discours que nous prononçons ici, des discours tout à fait inutiles, la réalité est que les autres continuent d'avancer et d'occuper l'est de notre pays. C'est évident pour la simple raison que le Congo n'a pas la force de défendre l'intégrité de son pays".
Le chef de l'Église catholique, qui a été élevé au rang de cardinal lors du Consistoire d'octobre 2019 et reconduit au sein du Conseil des cardinaux (C9) du pape François après l'expiration du mandat initial d'octobre 2020, a déclaré qu'il était regrettable que les politiciens se livrent à de petites querelles autour d'un "gros gâteau", ignorant les violents conflits dans le pays.
"Cela fait trois mois que notre pays est pratiquement paralysé pour la simple raison que toute la classe politique s'est invitée autour du gros gâteau que l'on se dispute, alors que le pays est en guerre, que l'ennemi avance", a-t-il déploré, avant d'ajouter : "Ce comportement est complètement incohérent si l'on considère la situation délicate et dangereuse de notre pays."
"Un pays attaqué, un pays qui se sait en guerre, la première chose à faire est de s'asseoir autour d'une table pour former ce que nous appelons le front commun. Or, aujourd'hui, il n'y a pas de front commun", a-t-il déploré.
Dans son message de Pâques, le membre congolais de l'Ordre des Frères Mineurs Capucins (OFM Cap) a imploré : "Prions pour nos dirigeants, les dirigeants de ce pays qui sont complètement, je dirais, déconnectés de la souffrance de leur peuple".
Dernièrement, le 14 avril, les agents de sécurité de l'aéroport international de Ndjili auraient refusé au cardinal Ambongo l'accès au salon VIP. Le cardinal congolais, membre du Conseil des cardinaux (C9), qui conseille le pape François sur le gouvernement de l'Église et la réforme de la Curie, était en route pour Rome.
Dans une déclaration publiée le 14 avril, le chancelier de l'archidiocèse de Kinshasa a condamné "dans les termes les plus forts le traitement dégradant infligé par les fonctionnaires de l'aéroport" au cardinal et a lié l'incident "malheureux" aux "déclarations prophétiques" du cardinal Ambongo, en particulier sa critique du gouvernement congolais dans son message de Pâques 2024.
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