vendredi, 20 décembre 2024 Faire un don
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La séparation de la religion de l'État au Soudan n'est pas achevée, précise un prélat Soudanais

Le Premier ministre soudanais Abdalla Hamdok, à gauche, et le leader du Mouvement de libération du Soudan-Nord, Abdel-Aziz Adam al-Hilu, lèvent la main dans la ville isolée de Kauda, dans les montagnes Nuba, au Soudan, le 9 janvier 2020.

L'accord visant à séparer la religion de l'État après trois décennies de domination islamique au Soudan est une question qui est toujours en discussion, selon un prélat catholique de ce pays d'Afrique du Nord-Est.

Dans un récent interview avec ACI Afrique, Mgr Tombe Trille Kuku du diocèse d'El Obeid au Soudan a reproché aux médias locaux de rapporter que les Soudanais peuvent désormais pratiquer leur religion sans crainte.

En toile de fond, le Premier ministre soudanais, Abdalla Hamdok et Abdel al-Hilu, le chef du groupe rebelle Sudan People's Liberation-North, ont signé le 3 septembre à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, une déclaration qui viserait à mettre fin à des décennies de domination islamique au Soudan.

Réagissant aux rapports des médias annonçant l'accord historique, Mgr Tombe a précisé que la signature n'était que le début d'un dialogue sur la religion au Soudan par rapport à la question de l'État.

"Le SPLM-Nord et le Premier ministre n'ont pas convenu qu'il y a une séparation entre l'État et la religion mais ils ont convenu qu'ils vont dialoguer sur cette séparation de l'État et de la religion", a déclaré Mgr Tombe à ACI Afrique le 2 octobre.

Il a ajouté : "Ceux qui pourraient dire qu'il y a de bonnes nouvelles concernant l'abrogation de la Charia au Soudan ont couru vite sur quelque chose qui n'a pas eu lieu. ” 

Le prélat soudanais, qui est aussi le président de la Conférence des évêques catholiques du Soudan (SCBC), a ajouté que l'accord n'est pas une abrogation de la Charia du pays, comme l'a interprété le public.

"Ils se sont mis d'accord sur le principe ; ce que les médias n'ont pas bien compris, c'est qu'il n'abroge pas la charia. Je ne pense pas qu'il y ait un article qui parle d'abroger la charia dans l'accord", a déclaré l'évêque à ACI Afrique.

Il a expliqué : "Ce dont les dirigeants ont convenu, ce sont les principes ; puisque les lois de l'Islam ou la Charia ont été l'une des principales causes de guerre, ils ont accepté le principe du dialogue avec l'espoir qu'il y ait une séparation entre l'Etat et la religion".

Selon l'Ordinaire du diocèse d'El Obeid au Soudan, bien qu'il y ait des opposants à l'accord, un bon nombre de personnes au Soudan soutiennent le changement de séparation de l'Etat et de la religion.

Se référant à l'accord, Mgr Tombe a déclaré : "Pour que le Soudan devienne un pays démocratique où les droits de tous les citoyens sont consacrés, la constitution doit être fondée sur le principe de la "séparation de la religion et de l'État", faute de quoi le droit à l'autodétermination doit être respecté".

Il a poursuivi en disant : "Les parties discuteront des normes, le pays étant séparé de la religion sans application de la Charia".

Il a ajouté : "Aucun dirigeant soudanais n'a le courage de s'exprimer de la sorte, à l'exception du Premier ministre. Le dialogue se poursuit depuis un an et aucun dirigeant politique ou militaire n'a parlé de la séparation de la religion de l'État".

"C'est une démarche positive, qu'ils l'abrogent ou non, ce sera une possibilité de dialogue", a déclaré l'évêque soudanais, qui a ajouté : "Même s'ils sont d'accord, ils conviendront qu'en termes d'acceptation par les deux parties. Avec le dialogue, ils vont certainement se mettre d'accord sur le système qu'ils vont utiliser pour gouverner le pays".

Le prélat de 56 ans a révélé que pour la première fois, les chefs religieux au Soudan avaient été autorisés à faire une déclaration, une démarche qu'il a interprétée comme indiquant une possibilité de dialoguer sur la question par le biais de séminaires et de faire comprendre ce que cela signifie.

"Il y a eu une séparation de la religion de l'État au Soudan", a rappelé Mgr Tombe, ajoutant que "ce n'est qu'en septembre 1983 que le pays a commencé à institutionnaliser les lois islamiques".

Il a ajouté : "Dans les années 50, 60 et 70, il n'y avait pas de lois islamiques.  De 1983 à aujourd'hui, c'est le moment où les institutions se sont islamisées".

Mgr Tombe a également proposé quelques options pour résoudre l'islamisation du Soudan en disant : "Une solution est de revenir là où nous étions dans les années 1950 ; l'islam n'est pas apporté par ces fondamentalistes, l'islam était là avant".

Le président de la SCBC a poursuivi : "Nous revenons à nos lois et continuons à vivre en tant que nation sans diviser le pays entre musulmans et chrétiens, non-religieux et religieux ; nous sommes capables et je pense qu'il est possible de revenir en arrière parce que cela a déjà été le cas auparavant".

"L'islam est toujours utilisé par les politiciens pour gouverner", a-t-il noté, ajoutant que la déclaration prévoyant des lacunes pour la confusion est claire, "l'islam est la source de toutes les lois, même avant qu'elle ne soit là, mais cachée et relativement plus pacifique". 

L'évêque a également noté que "sans la suppression de cet article appelé Sharia étant la source de toutes les lois et normes au Soudan, même s'ils disent qu'il est abrogé, il restera le même".

"La meilleure chose à travailler est l'attitude des gens à se considérer comme soudanais et pas nécessairement comme musulmans ou chrétiens", a-t-il dit et ajouté, "Que les Soudanais aient leurs propres lois en tant que personnes et les chrétiens leurs propres lois en tant que chrétiens traitant des lois spirituelles et les musulmans leurs lois spirituelles séparément".

"Nous parlons de lois islamiques, pas de lois soudanaises ; si l'islam veut se gouverner par ses propres lois, qu'il le fasse lui-même ; un musulman est libre d'appliquer la charia pour lui-même mais pas une loi pour les Soudanais", a déclaré Mgr Tombe lors de l'entretien accordé le 2 octobre à ACI Afrique. 

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