Makurdi, 24 mai, 2022 / 9:35 PM
Depuis des années, Mgr Wilfred Chikpa Anagbe, évêque du diocèse catholique de Makurdi, au Nigeria, ne s'est pas rendu une seule fois dans les zones pastorales dont il a la charge, en raison du terrorisme généralisé des bergers islamistes Fulani dans l'État de Benue, desservi par le diocèse nigérian.
Fournissant un aperçu des attaques, des meurtres et des enlèvements qui se sont multipliés dans l'État nigérian entre mars et mai, Mgr Anagbe a déclaré que la vie s'est arrêtée dans cet État autrefois dynamique, et que les agents pastoraux sont incapables d'atteindre la population alors que les islamistes étendent leurs territoires dans les villages.
"Depuis que je suis devenu évêque en 2014, je n'ai pas pu visiter certaines unités pastorales de mon diocèse parce que les lieux ont été occupés par des bergers tueurs qui ont chassé notre peuple de ses terres agricoles et de ses maisons ancestrales", déclare l'évêque catholique nigérian dans la déclaration qui a été diffusée le 20 mai.
Le membre des Fils Missionnaires du Cœur Immaculé de Marie (CMF - Clarétains) ajoute : "Dans ces lieux, toutes les activités humaines significatives ont cessé, à l'exception des occupants bergers qui font maintenant librement paître leur bétail sur les terres agricoles occupées."
"Depuis que je suis devenu évêque de Makurdi en 2014 jusqu'à aujourd'hui, il ne se passe pratiquement pas un jour sans que je reçoive une triste histoire de meurtre et de déplacement de notre peuple par des bergers Fulani barbares ou des tireurs inconnus ou des bandits comme le gouvernement du Nigeria veut qu'on les appelle", déplore-t-il.
Selon l'évêque catholique nigérian, alors que l'église entrait dans la semaine sainte, les islamistes ont choisi d'attaquer, les attaques se multipliant vers le mois de mai, période durant laquelle la plupart des activités agricoles ont lieu dans l'État de Benue.
Les statistiques fournies par Mgr Anagbe indiquent que 14 attaques distinctes ont été enregistrées entre le 7 mars et le 12 mai.
La plupart des attaques impliquent des meurtres, des blessures et des déplacements. Quelques enlèvements ont également été enregistrés.
Dans une interview accordée le 21 mai à ACI Afrique, le directeur de la Commission Justice et Paix (JPC) du diocèse de Makurdi, le père Remigius Ihyula, a confirmé l'attaque et le meurtre de fermiers chrétiens dans l'État de Benue le 20 mai et a noté que la situation dans l'État nigérian est celle d'un déplacement et d'une occupation par des bergers Fulani armés.
Les statistiques fournies par l'évêque Anagbe indiquent en outre que Tiortyu, dans la zone de gouvernement local de Guma (alga) de l'État de Benue, a été la zone la plus touchée, l'attaque du 12 avril ayant fait 16 morts.
Dans la déclaration diffusée le 20 mai, l'évêque catholique affirme qu'avec la multiplication des attaques, le peuple de Dieu a subi d'immenses souffrances entre mars et mai.
"Les mois auxquels il est fait référence dans cette mise à jour ont été très terribles pour moi et mon peuple dans le diocèse catholique de Makurdi, dans l'État de Benue, au Nigeria, en raison de la recrudescence des meurtres vicieux et insensés d'habitants de villages sans défense par les groupes mentionnés ci-dessus", déclare-t-il.
Il se souvient avoir partagé "des photos sanglantes d'hommes, de femmes et d'enfants massacrés par des bergers tueurs" avec l'organisation caritative catholique et la fondation pontificale Aide à l'Église en détresse (AED) International, et l'organisation caritative catholique Denis Hurley Peace Institute (DHPI), qui mène depuis deux ans des recherches sur l'extrémisme violent dans le sud-est du Nigeria.
"Pour ceux qui ont vu les photos, la brutalité absolue et le découpage en morceaux de femmes enceintes, d'enfants, de personnes âgées, de personnes ayant des besoins spéciaux et d'hommes inoffensifs et sans défense peuvent rendre malade, c'est le moins que l'on puisse dire", déclare-t-il dans sa déclaration.
Il ajoute : "Vouloir tuer des gens de cette manière et occuper leurs terres révèle comme nous l'avons toujours soupçonné une stratégie subreptice et le désir d'anéantir la population attaquée."
L'Ordinaire de Makurdi trouve regrettable que le gouvernement nigérian continue à ne rien faire face aux attaques persistantes dans la nation ouest-africaine.
Il affirme que le comportement du gouvernement "dit tout : complicité". L'évêque catholique pense ainsi que les autorités pourraient, d'une certaine manière, être de connivence avec les militants pour infliger des souffrances aux habitants sans défense.
Il dénonce le silence de la communauté internationale face aux souffrances de la nation la plus peuplée d'Afrique : "Malheureusement, nous continuons à attirer l'attention du monde extérieur sur le projet des islamistes d'islamiser les territoires chrétiens, sans que notre cri et notre appel à l'aide ne reçoivent la moindre attention. Parfois, il semble que nous ayons été abandonnés à la merci des djihadistes."
L'évêque catholique affirme que le peuple de Dieu au Nigeria s'est retrouvé dans "des meurtres quotidiens, incessants et brutaux de villageois innocents sans défense."
"Aucun être humain à l'esprit droit ne peut regarder ces événements et ne pas être en colère. Parfois, je ne sais pas comment réagir ou ce qu'il faut souhaiter", dit-il.
Mgr Anagbe rappelle que depuis 2012, l'État de Benue, notamment les AGL de Guma, Makurdi, Gwer-West et Agatu, a dû faire les frais d'"attaques incessantes et soutenues" contre des communautés agricoles par des groupes militants qui, selon lui, se cachent sous la forme de bergers fulanis.
Selon l'évêque catholique, ces attaques ont entraîné le déplacement massif d'énormes populations qui ont ensuite dû chercher un abri temporaire dans des camps de personnes déplacées.
"Chaque année à cette époque, les meurtres et les déplacements de communautés jusqu'alors sûres et viables sur le plan agricole commencent à s'intensifier", dit-il, et il explique que dans l'État de Benue, la période entre fin février, mars et avril correspond à la saison agricole. "Malheureusement, de nombreux villages sont désormais sous occupation et inaccessibles aux travaux agricoles", dit-il.
"Mon peuple est principalement composé d'agriculteurs de subsistance dont le travail agricole suffirait habituellement à nourrir et à trier leurs besoins personnels, mais en remontant à 2014, lorsque les meurtres et les déplacements ont commencé à atteindre un pic, des milliers de personnes n'ont pas pu retourner dans leurs fermes", déclare l'évêque catholique qui est à la tête du diocèse de Makurdi depuis mars 2015.
(L'histoire continue ci-dessous)
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Il ajoute que les conséquences des attaques contre les agriculteurs de l'État de Benue sont immenses, et comprennent de graves pénuries alimentaires, l'incapacité de payer les besoins fondamentaux de la vie, et de payer les besoins médicaux ou de soins de santé.
Selon Mgr Anagbe, ces attaques ont également privé les victimes de leur dignité, car elles doivent compter sur des dons pour survivre.
"Il y a la perte de la dignité humaine et la prévalence de pratiques néfastes car les milliers de personnes déplacées et réfugiées dans des abris de fortune doivent compter sur des stratégies d'adaptation dangereuses pour survivre", dit-il, et il ajoute : "La situation de pénurie a réduit beaucoup de personnes à une condition indigne de la dignité humaine, comptant souvent sur les rations alimentaires fournies par d'autres personnes dont les conditions économiques ne sont en rien meilleures."
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