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Texte intégral conférence de presse du Pape François sur le vol de retour du Canada

Le pape François s'adressant aux journalistes sur le vol entre le Canada et Rome, Italie, le 30 juillet 2022. Vatican Media

Le pape François est rentré à Rome samedi après un voyage d'une semaine au Canada. Au cours de ce voyage, qui s'est déroulé du 24 au 30 juillet, le pape s'est rendu à Edmonton, au Québec et à Iqaluit dans le cadre de ce qu'il a appelé un "pèlerinage pénitentiel" pour présenter ses excuses aux communautés autochtones du pays.

Vous trouverez ci-dessous la transcription intégrale de la conférence de presse du pape François sur le vol d'Iqaluit, au Canada, vers l'Italie.

Pape François : Bonsoir et merci pour votre accompagnement, pour votre travail ici. Je sais que vous avez travaillé dur, et je vous remercie pour la compagnie. Merci.

Matteo Bruni, directeur du bureau de presse du Saint-Siège : Bien, la première question ce soir est de Ka'nhehsíio Deer, un journaliste canadien d'origine inuit.

Ka'nhehsíio Deer, CBC Radio [en anglais] : Mon nom est Ka'nhehsíio Deer. Je suis journaliste à CBC Indigenous. En tant que descendante d'un survivant des pensionnats, je sais que les survivants et les familles veulent voir des actions concrètes dans vos excuses, y compris l'annulation de la " doctrine de la découverte ". Étant donné que cette doctrine est toujours ancrée dans la Constitution et les systèmes juridiques du Canada et des États-Unis, où les peuples autochtones continuent d'être dépossédés et privés de leur pouvoir, n'avez-vous pas raté l'occasion de faire une déclaration lors de votre voyage au Canada ?

Le pape François : Sur la dernière partie, je ne comprends pas le problème.

Ka'nhehsíio Deer : C'est juste que les peuples autochtones sont encore aujourd'hui dépossédés et privés de leur pouvoir, vous savez, comme si leurs terres leur avaient été enlevées à cause de ces bulles papales et du concept de la doctrine de la découverte.

Quand je parle aux autochtones, ils racontent souvent que lorsque les gens sont venus coloniser les Amériques, il y avait cette - la doctrine de la découverte était quelque chose qui donnait le concept que les peuples autochtones de ces terres étaient inférieurs aux catholiques, et c'est ainsi que le Canada et les États-Unis sont devenus des pays.

Pape François : Merci pour cette question. Je pense que c'est un problème de chaque colonialisme, chaque - même les colonisations idéologiques d'aujourd'hui ont le même schéma. Ceux qui n'entrent pas dans leur voie ont des manières qui sont inférieures. Mais je veux développer ce point. Ils n'étaient pas seulement considérés comme inférieurs. Un théologien un peu fou se demandait s'ils avaient une âme.

Lorsque Jean-Paul II s'est rendu en Afrique, dans le port où les esclaves ont été embarqués, il a fait un signe pour que nous arrivions à comprendre le drame, le drame criminel. Ces personnes ont été jetées dans le bateau dans des conditions terribles, puis elles ont été esclaves en Amérique. Il est vrai qu'il y avait des voix qui s'exprimaient, comme Bartolomé de las Casas par exemple ou Pierre Claver, mais elles étaient la minorité.

La conscience de l'égalité humaine est venue lentement. Et je dis conscience parce que dans l'inconscient, il y a encore quelque chose. Nous avons toujours - permettez-moi de le dire - une attitude colonialiste consistant à réduire leur culture à la nôtre. C'est quelque chose qui nous arrive dans notre mode de vie développé ; parfois nous perdons les valeurs qu'ils ont.

Par exemple, les peuples indigènes ont une grande valeur qui est celle de l'harmonie avec la création. Et au moins certains que je connais l'expriment dans l'expression "vivre bien". Cela ne signifie pas, comme nous, Occidentaux, l'entendons, bien dépenser ou vivre la vie douce, non. Bien vivre, c'est chérir l'harmonie, et c'est là, à mon sens, la grande valeur des peuples indigènes : l'harmonie. Nous sommes habitués à tout réduire à l'esprit. Et au contraire, la personnalité des peuples originaires - je parle en général - sait s'exprimer en trois langues : celle de la tête, celle du cœur et celle des mains. Mais tous ensemble. Et ils savent avoir ce langage avec la création. Alors ce progressisme de développement accéléré, un peu exagéré, un peu névrotique, que nous avons - je ne parle pas contre le développement, le développement est bon, mais cette anxiété de développement, développement, développement n'est pas bonne... Ecoutez, une des choses que notre civilisation commerciale super-développée a perdue est la capacité de poésie. Les peuples indigènes ont cette capacité poétique. Je ne suis pas en train d'idéaliser.

Ensuite, cette doctrine de la colonisation, vraiment, elle est mauvaise et injuste. Aujourd'hui encore, elle est utilisée - avec des gants de soie peut-être - mais elle est utilisée. Par exemple, certains évêques dans certains pays ont dit : "Mais notre pays, quand il demande un crédit à une organisation internationale, ils nous imposent des conditions, même législatives, colonialistes. Pour faire crédit, ils vous obligent à changer un peu votre façon de vivre." Pour revenir à notre colonisation, disons de l'Amérique, la colonisation des Britanniques, des Français, des Espagnols et des Portugais, qui sont quatre... il y a toujours eu ce danger, voire cette mentalité de "nous sommes supérieurs, et ces indigènes ne comptent pas." Et c'est grave. C'est pourquoi nous devons travailler sur ce que vous dites. Revenir en arrière et aseptiser, disons, ce qui a été mal fait, en sachant qu'aujourd'hui encore, le même colonialisme existe.

Pensez, par exemple, à un cas, qui est universel, et j'ose le dire, pensez au cas des Rohingya au Myanmar : ils n'ont pas droit à la citoyenneté, ils sont inférieurs. Aujourd'hui encore. [En anglais] Merci beaucoup.

Bruni : La deuxième question, Votre Sainteté, vient d'une autre journaliste canadienne, Brittany Hobson.

Brittany Hobson, La Presse Canadienne : Bonsoir Pape François, Mon nom est Brittany Hobson. Je suis journaliste à la presse canadienne. Vous avez souvent parlé de la nécessité de parler clairement, honnêtement, sans détour et avec parrhésie. Vous savez que la Commission de vérité et de réconciliation du Canada a décrit le système des pensionnats comme un "génocide culturel". Ce terme a depuis été modifié pour devenir simplement "génocide". Ceux qui ont écouté vos excuses la semaine dernière ont été déçus que le mot génocide n'ait pas été utilisé. Utiliseriez-vous ces mots et accepteriez-vous que des membres de l'Église aient participé à un génocide ?

Pape François : C'est vrai, je n'ai pas utilisé le mot parce que cela ne m'est pas venu à l'esprit, mais j'ai décrit le génocide et j'ai demandé pardon, pardon pour cette œuvre qui est génocidaire. Par exemple, j'ai condamné cela aussi : Enlever les enfants et changer la culture, changer les mentalités, changer les traditions, changer une race, disons, toute une culture. Oui, c'est un mot technique, génocide, mais je ne l'ai pas utilisé parce qu'il ne me venait pas à l'esprit, mais je l'ai décrit. C'est vrai ; oui, c'est un génocide. Oui, vous tous, soyez calmes. Vous pouvez dire que j'ai dit que, oui, que c'était un génocide. [En anglais] Oui. Oui. Merci.

Bruni : Une autre question vient de Valentina Alazraki, vous la connaissez bien, de Televisa.

Valentina Alazraki, Televisa : Pape François, bonsoir. Nous supposons que ce voyage au Canada était aussi un test, un test pour votre santé, pour vos -- ce que vous avez dit ce matin -- limitations physiques. Nous voulions donc savoir ce que - après cette semaine - vous pouvez nous dire sur vos futurs voyages. Voulez-vous continuer à voyager comme ça, y aura-t-il des voyages que vous ne pourrez pas faire à cause de ces limitations, ou peut-être pensez-vous qu'après cette semaine, une opération du genou pourrait aider à résoudre la situation pour que vous puissiez voyager comme avant ?

Le pape François : Je vous remercie. Je ne sais pas. Je ne pense pas pouvoir voyager au même rythme qu'avant. Je pense qu'à mon âge et avec cette limitation, je dois réduire un peu mes activités pour pouvoir servir l'Eglise ou, au contraire, penser à la possibilité de me retirer. Cela n'a rien d'étrange. Ce n'est pas une catastrophe. Vous pouvez changer le pape. On peut changer, pas de problème. Mais je pense que je dois me limiter un peu dans ces efforts.

Une opération du genou n'est pas prévue dans mon cas. Les experts disent oui, mais il y a tout le problème de l'anesthésie. Il y a dix mois, j'ai subi plus de six heures d'anesthésie, et il en reste des traces. On ne joue pas, on ne fait pas n'importe quoi avec l'anesthésie. Et c'est pourquoi vous pensez que ce n'est pas tout à fait pratique. ... Mais je vais essayer de continuer à faire des voyages et à être proche des gens, parce que je pense que c'est une façon de rendre service, d'être proche, mais plus que ça, je n'arrive pas à le dire. J'espère. Il n'y a pas encore de visite au Mexique [prévue], n'est-ce pas ?

Alazraki : Non, non. Et au Kazakhstan ? Et si vous allez au Kazakhstan, ne devriez-vous pas aller en Ukraine, même si vous allez au Kazakhstan ?

Le Pape François : J'ai dit que j'aimerais aller en Ukraine. Voyons maintenant ce que je vais trouver en rentrant chez moi. Pour le moment, je voudrais aller au Kazakhstan ; c'est un voyage tranquille, sans beaucoup de mouvement, c'est un congrès des religions. Mais pour l'instant, tout se tient.

Parce que je dois aller au Soudan du Sud avant le Congo, parce que c'est un voyage avec l'archevêque de Canterbury et l'évêque de l'Église d'Écosse, tous les trois ensemble puisque nous avons tous les trois fait la retraite il y a deux ans. Et puis le Congo, mais ce sera l'année prochaine à cause de la saison des pluies - nous verrons. J'ai toute la bonne volonté, mais voyons ce que dit la jambe.

(L'histoire continue ci-dessous)

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Bruni : La prochaine question, Sainteté, est posée par Caroline Pigozzi de Paris Match.

Caroline Pigozzi, Paris Match : Bonsoir, Saint-Père. Ce matin, vous vous êtes réunis à l'archevêché comme vous le faites chaque fois que vous vous rendez dans un pays avec des membres locaux de la Compagnie de Jésus, votre famille. Il y a neuf ans, au retour des Journées mondiales de la jeunesse au Brésil, je vous avais demandé, le 28 juillet 2013, si vous vous sentiez toujours jésuite. La réponse avait été positive.

Le 4 décembre, vous avez expliqué après avoir vu les jésuites de Grèce à Athènes : " Quand on commence un processus, il faut le laisser se développer, laisser une œuvre grandir, puis se retirer. Chaque jésuite doit faire cela. Aucune œuvre ne lui appartient car elle appartient au Seigneur." Saint Père, cette déclaration pourrait-elle aussi s'appliquer un jour à un pape jésuite ?

Le Pape François : Oui.

Pigozzi : Cela signifie-t-il que vous pourriez prendre votre retraite comme les jésuites ?

Pape François : Oui, oui. C'est une vocation.

Pigozzi : Etre pape ou être jésuite ?

Le Pape François : Laissez le Seigneur dire. Le jésuite essaie - il essaie, il n'y arrive pas toujours, il ne peut pas - de faire la volonté du Seigneur. Le pape jésuite doit faire de même. Quand le Seigneur parle, si le Seigneur dit allez-y, allez-y. Si le Seigneur vous dit d'aller dans le coin, vous allez dans le coin. C'est le Seigneur qui enseigne...

Pigozzi : Par ce que vous dites, vous voulez dire que vous attendez de mourir ?

Pape François : Mais nous sommes tous en attente de la mort ...

Pigozzi : Mais je veux dire : ne vas-tu pas d'abord te retirer ?

Pape François : Ce que le Seigneur dira. Le Seigneur peut me dire de démissionner. C'est le Seigneur qui ordonne.

Une chose sur Saint Ignace, et c'est important. Quand quelqu'un était fatigué ou malade, Saint Ignace le dispensait de la prière, mais il ne le dispensait jamais de l'examen de conscience - deux fois par jour, un regard sur ce qui s'est passé ... Il ne s'agit pas de péchés ou de non péchés, non. C'est comment l'esprit m'a poussé aujourd'hui. Notre vocation, a-t-il dit, est de rechercher ce qui s'est passé aujourd'hui. Si je - c'est une hypothèse - je vois que le Seigneur me dit quelque chose, je fais un discernement pour voir ce que le Seigneur dit et il se peut que le Seigneur veuille me jeter dans un coin. C'est lui qui commande.

Je pense que c'est le mode de vie religieux d'un jésuite : Être dans le discernement spirituel pour prendre des décisions, pour choisir des méthodes de travail, pour discerner aussi les compromis. Saint Ignace était très nuancé sur ce point, car c'est sa propre expérience de discernement spirituel qui l'a conduit à la conversion. Et les Exercices Spirituels sont vraiment une école de discernement. Par vocation, un jésuite doit être un homme de discernement. Discernement des situations, discernement de la conscience, discernement des décisions à prendre. Et pour cela, il doit être ouvert à tout ce que le Seigneur lui demande. C'est un peu notre spiritualité.

Pigozzi : Mais vous sentez-vous plus comme un pape ou plus comme un jésuite ?

Pape François : Je n'ai jamais fait cette mesure. Je me sens un serviteur du Seigneur avec une mentalité de jésuite. Il n'y a pas de spiritualité papale, cela n'existe pas. Chaque pape apporte sa propre spiritualité. Pensez à Jean-Paul II et à cette belle spiritualité mariale qu'il avait. Il l'avait avant et en tant que pape. Pensez à tant de papes qui ont apporté leur propre spiritualité. La papauté n'est pas une spiritualité ; c'est un travail, une fonction, un service, mais chacun y apporte sa propre spiritualité, avec ses propres grâces, sa propre fidélité et aussi ses propres péchés. Mais il n'y a pas de spiritualité papale. C'est pourquoi il n'y a pas de comparaison entre la spiritualité jésuite et la spiritualité papale, car cette dernière n'existe pas. Est-ce que vous comprenez ? Je vous remercie.

Bruni : Une autre question, Votre Sainteté, vient d'une journaliste allemande, Severina Bartonischek, d'une agence de presse catholique en Allemagne.

Severina Bartonitschek, KNA : Bonsoir. Saint Père, hier vous avez également parlé de la fraternité dans l'Eglise, d'une communauté qui sait écouter et dialoguer, qui promeut une bonne qualité de relations. Il y a quelques jours, il y a eu une déclaration du Saint-Siège sur la "voie synodale" allemande sans signature. Pensez-vous que ce mode de communication contribue au dialogue ou qu'il constitue un obstacle au dialogue ?

Pape François : Tout d'abord, cette déclaration a été faite par la Secrétairerie d'Etat. C'était une erreur de ne pas [la] signer en dessous. Je pense qu'il était écrit : communiqué de la Secrétairerie d'Etat, mais je ne suis pas sûr. C'était une erreur de ne pas le signer comme un communiqué du Secrétariat d'État. Mais c'est une erreur de bureau, pas une mauvaise volonté.

Sur la "Voie synodale" [allemande], j'ai écrit une lettre, et je l'ai fait tout seul... un mois de prière, de réflexion, de consultations... et j'ai dit tout ce que j'avais à dire sur la "Voie synodale". Je n'en dirai pas plus. C'est le magistère pontifical sur la "Voie synodale", cette lettre que j'ai écrite il y a [trois] ans. J'ai contourné la Curie, parce que je n'ai pas fait de consultations, ou quoi que ce soit.... J'ai fait mon propre chemin, même en tant que pasteur d'une Église qui cherche un chemin, en tant que frère, en tant que père, en tant que croyant. Et voici mon message. Je sais que ce n'est pas facile, mais tout est dans cette lettre.

Bruni : La prochaine question est posée par Ignazio Ingrao de Rai1.

Ignazio Ingrao, Rai1 : Votre Sainteté, l'Italie traverse une période difficile qui suscite également des inquiétudes au niveau international. Il y a une crise économique, une pandémie, une guerre, et maintenant nous nous trouvons aussi sans gouvernement. Vous êtes le primat de l'Italie. Dans le télégramme que vous avez écrit au président [Sergio] Mattarella à l'occasion de son anniversaire, vous avez parlé d'un pays marqué par de nombreuses difficultés et appelé à des choix cruciaux. Votre Sainteté, comment avez-vous vécu la chute de Mario Draghi ?

Pape François : Tout d'abord, je ne veux pas me mêler de la politique intérieure italienne. Ensuite, personne ne peut dire que le président Draghi n'était pas un homme de haut niveau international, il était président de la Banque [centrale européenne]. Il a eu une bonne carrière, disons-le. Et puis je n'ai posé qu'une seule question à l'un de mes collaborateurs : combien de gouvernements l'Italie a-t-elle eu au cours de ce siècle ? Il m'a répondu : vingt. C'est ma réponse.

Ingrao : Quel appel lancez-vous aux forces politiques en vue de ces élections difficiles ?

Le Pape François : La responsabilité. Responsabilité civique.

Bruni : Merci, Votre Sainteté. Merci, Ignace. Et la question suivante est posée par Claire Giangravé de Religion News Service.

Claire Giangravé, Religion News Service : Bonjour Saint-Père, bonsoir. De nombreux catholiques, mais aussi de nombreux théologiens, pensent que le développement de la doctrine de l'Eglise concernant les contraceptifs est nécessaire. Il semble même que votre prédécesseur, Jean-Paul Ier, ait pensé qu'une interdiction totale devait être reconsidérée. Que pensez-vous de cette question ? Êtes-vous ouvert à une réévaluation à cet égard, ou existe-t-il une possibilité pour un couple d'envisager des contraceptifs ?

Le Pape François : Je comprends. C'est très opportun. Mais sachez que le dogme, la morale, est toujours dans un chemin de développement, mais de développement dans la même direction.

Pour utiliser une chose qui est claire, je pense que je l'ai dit d'autres fois ici, pour le développement d'une question soit morale - pour le développement théologique disons - ou dogmatique, il y a une règle qui est très claire et éclairante, que j'ai dit une autre fois. [C'est celle que Vincent de Lérins a formulée au Xe siècle, plus ou moins, [c'était un] [saint] français.] Il dit que la vraie doctrine pour avancer, pour se développer, ne doit pas être tranquille, elle se développe ut annis consolidetur, dilatetur tempore, sublimetur aetate.

C'est-à-dire qu'elle se consolide avec le temps, elle s'élargit et se consolide, elle devient plus stable, mais elle est toujours "en progrès". C'est pourquoi le devoir des théologiens est la recherche, la réflexion théologique. On ne peut pas faire de la théologie avec un "non" devant soi. Ensuite, c'est le magistère qui dira non si c'est allé trop loin, revenez... mais le développement théologique doit être ouvert, parce que c'est le rôle des théologiens, et le magistère doit aider à comprendre les limites.

Sur la question de la contraception, je sais qu'une publication est sortie sur cette question et sur d'autres questions relatives au mariage. Ce sont les actes d'un congrès et dans un congrès il y a des hypothèses, puis ils discutent entre eux et font des propositions. Il faut être clair : ceux qui ont fait ce congrès ont fait leur devoir parce qu'ils ont essayé d'avancer dans la doctrine, mais dans un sens ecclésial, pas en dehors, comme je l'ai dit avec cette règle de saint Vincent de Lérins. ... Et puis le magistère dira : oui, c'est bon [ou] ce n'est pas bon.

Mais tant de choses ont changé. Pensez, par exemple, aux armes atomiques : aujourd'hui, il est officiellement déclaré que l'utilisation et la possession d'armes atomiques sont immorales. Pensez à la peine de mort. Avant la peine de mort, oui, mais... aujourd'hui, je peux dire que nous sommes proches de l'immoralité, car la conscience morale s'est bien développée. Pour être clair : quand le dogme et la morale se développent, c'est bien, mais dans le sens des trois règles de Vincent de Lérins, je pense que c'est très clair.

Une Église qui ne développe pas sa pensée dans un sens ecclésial est une Église qui recule. Et c'est le problème de tant de personnes qui se disent traditionnelles aujourd'hui. Ils ne sont pas traditionnels, ils sont "indiétristes", ils retournent en arrière sans racines - "C'est comme ça que ça a toujours été fait", "C'est comme ça que ça a été fait au siècle dernier." L'indiétrisme [regarder en arrière] est un péché parce qu'il ne va pas de l'avant avec l'Église. Et au lieu de cela, quelqu'un a décrit la tradition - je pense l'avoir dit dans l'un des discours - comme la foi vivante des morts et au lieu de cela, pour ces "indiétristes", qui se disent "traditionalistes", c'est la foi morte des vivants.

La tradition est la racine de l'inspiration pour aller de l'avant dans l'Eglise, toujours ces racines, et l'"indietrisme", regardant en arrière, est toujours fermé. Il est important de bien comprendre le rôle de la tradition, qui est toujours ouverte comme les racines de l'arbre. L'arbre pousse comme ça, non. Un compositeur a eu une très belle phrase - Gustav Mahler - a dit que la tradition dans ce sens est la garantie de l'avenir, ce n'est pas une pièce de musée. Si vous concevez la tradition comme fermée, ce n'est pas la tradition chrétienne. C'est toujours la substance racine qui vous fait avancer vers l'avant. C'est pour cela que ce que vous dites au-dessus de la pensée, porter en avant la foi et la morale, tout en allant dans le sens des racines, de la substance va bien avec ces trois règles que j'ai mentionnées de Vincent de Lérins.

Bruni : Il y a une autre question d'Eva Fernandez de Cope.

Le Pape François : Elle est bonne.

Eva Fernandez, Cope : Saint Père, à la fin du mois d'août nous aurons un consistoire. Ces derniers temps, beaucoup de gens ont demandé si vous aviez pensé à démissionner. Ne vous inquiétez pas, nous ne le demanderons pas cette fois-ci. Mais nous sommes curieux : Saint-Père, avez-vous déjà pensé aux caractéristiques que vous aimeriez que votre successeur ait ? Merci.

Le Pape François : C'est l'oeuvre du Saint-Esprit. Je n'oserais jamais penser cela. L'Esprit Saint peut le faire mieux que moi et mieux que nous tous parce qu'il inspire les décisions du pape, il inspire toujours parce qu'il est vivant dans l'Eglise. Vous ne pouvez pas concevoir l'Église sans l'Esprit Saint. C'est lui qui fait les différences, qui fait le bruit - pensez au matin de la Pentecôte - et qui conduit ensuite à l'harmonie. Il est important de parler d'harmonie plutôt que d'unité. L'unité, mais l'harmonie, pas comme une chose fixe. L'Esprit Saint donne une harmonie progressive qui se poursuit.

J'aime ce que saint Basile dit de l'Esprit Saint : Ipse Armonia Est, il est l'harmonie. Il est harmonie parce que d'abord il fait du bruit avec les différences de charismes. Laissons ce travail à l'Esprit Saint.

Au sujet de ma démission, je voudrais remercier un bel article que l'un d'entre vous a écrit sur tous les signes qui pourraient conduire à une démission et tous les signes qui apparaissent. Et c'est un beau travail journalistique d'un journaliste qui, en fin de compte, donne une opinion. Mais voir ces signes aussi, pas seulement les déclarations, ce langage souterrain, et d'autres signes aussi. C'est être capable de lire les signaux ou au moins de faire un effort pour interpréter que cela peut être ceci ou cela. C'est du bon travail et je vous remercie beaucoup.

Bruni : Peut-être une dernière question de Phoebe Nathanson de ABC.

Phoebe Nathanson, ABC : Je sais que vous avez eu beaucoup de questions de ce genre, mais je voulais vous demander : en ce moment, avec les problèmes de santé et tout le reste, est-ce que l'idée vous est venue qu'il est peut-être temps de prendre votre retraite ? Avez-vous eu des problèmes qui vous ont fait penser à cela ? Y a-t-il eu des moments difficiles qui vous ont fait penser à cela ?

Le Pape François : La porte est ouverte. C'est une des options normales, mais jusqu'à aujourd'hui je n'ai pas frappé à cette porte... Je n'ai pas eu envie de penser à cette possibilité. Mais cela ne veut peut-être pas dire qu'après-demain, je commencerai à y penser. Mais pour l'instant, honnêtement, je n'y ai pas pensé.

C'est vrai que ce voyage était un peu un test, on ne peut pas faire de voyages dans ces conditions. Il faut peut-être changer un peu de style, diminuer, payer la dette des voyages que tu dois encore faire, réorganiser. Mais le Seigneur dira. La porte est ouverte, c'est vrai.

Avant de prendre congé, je voudrais parler de quelque chose qui est très important pour moi. Le voyage au Canada était très lié à la figure de Sainte Anne, et j'ai dit quelques choses sur les femmes, mais surtout sur les personnes âgées, les mères sur les grands-mères, et j'ai souligné une chose qui est claire : la foi doit être transmise en dialecte, et le dialecte, je l'ai dit clairement, le dialecte des grands-mères. Nous avons reçu la foi dans cette forme de dialecte féminin. Et cela est très important. Le rôle de la grand-mère, dans la transmission de la foi et le développement de la foi.

C'est la mère ou la grand-mère qui enseigne comment prier, c'est la mère ou la grand-mère qui explique les premières choses que l'enfant ne comprend pas sur la foi. Je peux dire que cette transmission dialectale de la foi est féminine. Quelqu'un me dira peut-être : mais théologiquement, comment l'expliquez-vous ?

Avant de prendre congé, je voudrais parler de quelque chose qui est très important pour moi. Le voyage au Canada était très lié à la figure de sainte Anne, et j'ai dit certaines choses sur les femmes, mais surtout sur les personnes âgées, les mères sur les grands-mères. Et j'ai souligné une chose qui est claire : la foi doit être transmise en dialecte, et le dialecte, je l'ai dit clairement, l'accent des grands-mères. Nous avons reçu la foi dans cette forme de dialecte féminin. Et cela est très important : le rôle de la grand-mère, dans la transmission de la foi et le développement de la foi.

C'est la mère ou la grand-mère qui enseigne comment prier. C'est la mère ou la grand-mère qui explique les premières choses que l'enfant ne comprend pas sur la foi. Je peux dire que cette transmission vernaculaire de la foi est féminine. Quelqu'un me dira : mais théologiquement, comment l'expliquez-vous ?

Je répondrai : Celui qui transmet la foi est l'Église, et l'Église est une femme. L'Église est une épouse. L'Église n'est pas un homme. L'Église est femme, et nous devons entrer dans cette pensée de l'Église comme femme, l'Église comme mère, qui est plus importante que toute fantaisie ministérielle machiste ou tout pouvoir machiste. L'Église est mater, la maternité de l'Église, ce qui est la figure de la Mère du Seigneur.

En ce sens, il est important de souligner l'importance de ce dialecte maternel. Je l'ai découvert en lisant, par exemple, le martyre des Maccabées : deux trois fois il est dit que la mère a donné l'âme en dialecte maternel. La foi doit être transmise en dialecte et ce dialecte est parlé par les femmes, et c'est la grande joie de l'Église parce que l'Église est une femme. L'Église est une épouse, et cela je voulais le dire clairement en pensant à sainte Anne. Je vous remercie de votre patience. Merci de votre écoute et bon voyage.

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