Une entité catholique pour la paix en Sierra Leone s'inquiète de la sécurité "fragile" avant le scrutin

Freetown, 06 novembre, 2022 / 10:45 AM

La Commission Justice et Paix (JPC) de Caritas Freetown a exprimé son inquiétude face à la montée de la criminalité et de la violence en Sierra Leone à l'approche des élections générales prévues pour juin 2023.

Dans une interview accordée jeudi 3 novembre à ACI Afrique, la responsable des programmes de Caritas Freetown- JPC, Eliza Sillah, a déclaré que la sécurité de la Sierra Leone est fragile, notant que les gens étaient lésés et semblaient "attendre une occasion d'être violents".

"En se basant sur la façon dont les gens réagissent violemment à toute simple provocation, on peut dire que les niveaux de dépression et de traumatisme sont élevés et que les gens semblent attendre la moindre aggravation pour devenir violents. Ce n'est pas une bonne chose pour un pays qui se dirige vers des élections", a déclaré Eliza.

Elle ajoute : "Les gens semblent avoir tellement de griefs refoulés. Beaucoup de gens ont l'air si agités et ils sont mécontents de leurs mauvaises conditions de vie. Ils ne sont pas satisfaits de la façon dont le gouvernement donne des emplois aux gens dans des processus non compétitifs."

"Notre sécurité est très fragile", a déclaré Eliza, et a ajouté : "La criminalité est en hausse. L'autre jour, on nous a signalé des personnes qui avaient été retrouvées blessées en province. Nous voulons penser qu'il s'agit d'un acte de vol, mais nous nous inquiétons aussi de la détérioration de la sécurité dans le pays."

Le responsable des programmes de Caritas Freetown-JPC s'est adressé à ACI Afrique en marge d'un atelier de trois jours qui a été organisé par AGIAMONDO, une agence de développement allemande qui travaille avec des organisations partenaires pour promouvoir les initiatives de paix dans les régions en conflit.

La réunion a rassemblé des travailleurs du Service civil pour la paix (CPS) que l'AGIAMONDO a stratégiquement placés dans des organisations de la société civile (OSC) qui mènent déjà des initiatives de paix à la base dans diverses régions du pays.

Des représentants de diverses organisations avec lesquelles l'entité allemande de développement a établi un partenariat ont également assisté à la réunion des partenaires de l'AGIAMONDO-CPS. Il s'agit de Justice for Peace and Human Rights Commission (JPHRV), Advocacy Aid (ADVOCAID), Center for Democracy and Human Rights (CDHR), Women Against Violence and Exploitation in Society (WAVES), Green Scenery Sierra Leone (GSSL), et l'Université de Makeni (UNIMAK).

Les participants à la réunion ont partagé leur travail dans divers types de plaidoyer, la promotion de l'accès à la justice en particulier parmi les groupes vulnérables, ainsi que ce qu'ils font pour préparer les citoyens à une élection pacifique.

Les personnes qui se sont adressées à ACI Afrique ont exprimé leur inquiétude quant à la tension qui s'installe déjà dans le pays qui "a une histoire de violence" et une tendance à glisser vers des troubles qui sont principalement perpétués par les jeunes et la police, ainsi que par les politiciens qui utilisent les criminels pour intimider leurs opposants.

Soulignant certaines des zones considérées comme des points chauds en Sierra Leone, Eliza a noté que Waterloo, une ville de la région occidentale du pays, est généralement l'un des endroits les plus touchés lorsque la violence éclate.

Située dans un environnement périurbain, Waterloo est connue pour être le foyer d'anciens combattants et de soldats qui ont participé à la pire guerre civile du pays, qui s'est terminée en 2002 après 11 ans d'immense dévastation. Certains d'entre eux, selon le responsable de Caritas Freetown, sont généralement utilisés pour perpétrer des actes d'intimidation contre les opposants politiques en période d'élections.

D'autres zones sensibles sont les bidonvilles qui entourent Freetown, la capitale de la Sierra Leone. Ici, les jeunes sans emploi et consommateurs de drogues sont également utilisés par les politiciens pour semer le chaos.

Eliza a déclaré à ACI Afrique que la branche justice et paix de Caritas Freetown a toujours privilégié le dialogue dans les diverses initiatives d'atténuation de la paix dans les zones desservies par l'Eglise catholique à Freetown.

"Tout d'abord, nous cherchons à comprendre les déclencheurs de la violence et les parties impliquées. Nous répondons aux défis économiques des gens et fournissons un soutien psychosocial et des conseils", dit-elle, ajoutant : "Nos initiatives ont beaucoup impliqué la police et les jeunes, car nous savons que ces deux groupes sont les principaux acteurs de la plupart des activités violentes autour de Freetown."

Lors d'une session de dialogue que Caritas Freetown a organisée en septembre, les jeunes du district rural de la zone occidentale de la Sierra Leone ont eu l'occasion d'interagir avec la police et d'aborder leurs différences profondes.

"Nous avons organisé le dialogue après les violences du 10 août au cours desquelles six policiers et 21 civils ont été tués dans des émeutes. La session de dialogue a été très réussie, chaque partie ayant eu l'occasion d'exprimer ses griefs", a déclaré Eliza.

Elle a ajouté : "Alors que les jeunes se sont plaints d'être toujours malmenés par la police, cette dernière a avoué qu'elle a parfois peur des jeunes, notamment des motards, et qu'elle surveille toujours ses arrières lorsqu'elle a affaire à eux."

Caritas Freetown a également organisé une formation civique pour les jeunes qui ont été informés de leurs droits et de leur rôle dans les prochaines élections du pays.

Soulignant le succès de la formation, Eliza a déclaré : "Nous l'avons fait un jour avant l'annonce du processus électoral. Le lendemain, un très grand nombre de primo-électeurs se sont présentés pour s'inscrire."

"Nous travaillons également pour être accrédités par la commission électorale afin d'être autorisés à observer, surveiller et même apporter des contributions aux processus électoraux", a-t-elle déclaré à ACI Afrique.