Voici ce que le pape François a dit à propos de l'exploitation minière au Congo

Kinshasa, 02 février, 2023 / 1:27 AM

Dans le cadre de sa visite en Afrique cette semaine, le pape François a rencontré mardi les dirigeants civils de la République démocratique du Congo (RDC), l'un des pays les plus grands et les plus pauvres du continent. S'adressant aux autorités, dont le président Félix Tshisekedi, le pape a dénoncé la pratique du travail des enfants dans les nombreuses mines du pays, un problème généralisé exacerbé par une demande mondiale toujours croissante de cobalt, un composant vital des batteries rechargeables.

"C'est une tragédie que ces terres, et plus généralement l'ensemble du continent africain, continuent de subir diverses formes d'exploitation", a déclaré le pape François.

"Située au cœur de l'Afrique, la République démocratique du Congo abrite l'un des grands poumons verts du monde, qui doit être préservé", a-t-il poursuivi. "Comme pour la paix et le développement, dans ce domaine aussi il faut une coopération ample et fructueuse qui puisse permettre une intervention efficace sans imposer des modèles externes" qui sont plus utiles à ceux qui aident qu'à ceux qui sont aidés.

Les riches ressources naturelles de la RDC, notamment les diamants, ont été exploitées pendant des siècles, en particulier lorsque le Congo était une colonie belge de 1908 à 1960. Cependant, au cours des dernières décennies, la ressource la plus exploitée a été le cobalt, un élément qui est passé d'une relative obscurité à une nécessité mondiale en tant que composant essentiel des batteries lithium-ion, qui alimentent aujourd'hui des appareils aussi petits que les smartphones et aussi grands que les voitures électriques.

La demande de cobalt a bondi au fur et à mesure que les pays d'Europe et d'ailleurs abandonnaient les combustibles fossiles au profit de l'utilisation de véhicules électriques. Certains constructeurs de voitures électriques, tels que Tesla et General Motors, ont annoncé ces dernières années des recherches sur le recyclage des batteries existantes, ainsi que l'abandon des batteries lithium-ion au profit de batteries à semi-conducteurs plus respectueuses de l'environnement. Mais les progrès sont lents et la RDC continue d'exporter des milliards de dollars de cobalt par an, ainsi que de grandes quantités d'autres métaux comme le cuivre.

Hervé Diakiese Kyungu, avocat congolais spécialisé dans les droits civils, a témoigné lors d'une audience du Congrès en juillet 2022 que les enfants en RDC sont souvent victimes de trafic et exploités en raison de leur petite taille et qu'ils extraient le cobalt avec des outils primitifs ou plus souvent à mains nues. On estime que 40 000 enfants travaillent dans ces mines en RDC.

La RDC fournit plus de 70% de la demande mondiale de cobalt. De ce pourcentage, 15 à 30 % sont extraits dans des mines artisanales, c'est-à-dire des exploitations à petite échelle qui utilisent des méthodes dangereuses et primitives. La quasi-totalité des mines de cobalt de la RDC appartiennent à des sociétés chinoises, et la Chine, qui fabrique une myriade de produits électroniques, est le premier importateur mondial de cobalt. Même dans les grandes mines où les conditions de travail sont légèrement meilleures, les salaires sont faibles et le travail est dangereux.

Le père Rigobert Minani Bihuzo, un prêtre catholique qui s'est efforcé de dénoncer le travail des enfants et les violations des droits de l'homme dans le secteur minier de la RDC, a témoigné l'année dernière des conditions de travail dangereuses dans les mines.

Le père Rigobert Minani Bihuzo, un prêtre catholique qui s'est efforcé de dénoncer le travail des enfants et les violations des droits de l'homme dans le secteur minier de la RDC, a témoigné l'année dernière des conditions de travail dangereuses dans les mines.

Outre les conséquences pour les travailleurs des vastes exploitations minières du pays - qui peuvent inclure des maladies et des malformations congénitales - les préoccupations environnementales, telles que la pollution de l'eau par les mines, menacent également la population congolaise.

Dans son discours aux autorités congolaises, le pape François a encouragé les personnes présentes à entreprendre un "renouveau social courageux et inclusif" pour changer les conditions d'exploitation minière dans le pays.

"Les diamants les plus précieux de ces terres sont les fils et les filles de cette nation ; ils doivent avoir accès à une éducation qui leur permette de faire briller leurs talents innés. L'éducation est fondamentale : c'est la voie de l'avenir, le chemin à parcourir pour parvenir à la liberté totale de ce pays et du continent africain... et pourtant, de nombreux enfants ne sont pas scolarisés ", a déploré le pape.

"Combien d'entre eux, au lieu de recevoir une bonne éducation, sont exploités ! Trop d'entre eux meurent, soumis à un travail servile dans les mines. Aucun effort ne doit être épargné pour dénoncer et enfin mettre fin au fléau du travail des enfants."

Le thème des mines et de l'exploitation a été à nouveau évoqué jeudi lors de la rencontre du pape avec des prêtres et des religieux dans la cathédrale de Kinshasa. Une religieuse congolaise, offrant son témoignage au pape, a décrit son pays comme "une terre de martyrs, de meurtres, de guerres entretenues et financées de l'extérieur."

La sœur a dit au pape : "Père très saint, malgré ce tableau d'injustices multiples, le Congo reste une terre bénie de Dieu, un peuple généreux, aimant la prière, rempli de vitalité et d'espérance, comme l'a sûrement constaté Votre Sainteté. C'est pourquoi nous ne nous décourageons pas, car nous croyons au Christ ressuscité."

Répondant à son témoignage, le pape François a déclaré qu'il s'est rappelé "combien il est difficile de mener à bien votre mission dans une terre riche en beauté naturelle et en ressources mais blessée par l'exploitation, la corruption, la violence et l'injustice."