jeudi, 14 novembre 2024 Faire un don
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Nigeria: Un évêque catholique reproche au gouvernement ses années de "silence" face aux pertes de vies humaines

Mgr Kukah

L'évêque catholique du diocèse de Sokoto au Nigeria a reproché au gouvernement fédéral de la nation ouest-africaine d'avoir gardé le silence pendant un an sur les enlèvements et les pertes de vies humaines.

Dans son message de Noël partagé avec ACI Afrique le 26 décembre, Mgr Matthew Hassan Kukah déclare que le gouvernement semble avoir laissé le sort des Nigérians entre les mains "d'hommes mauvais".

"Aujourd'hui, après plus de sept ans, nos plus de cent filles de Chibok sont toujours abandonnées dans l'océan de l'incertitude. Plus de trois ans après, Leah Sharibu est toujours introuvable. Les étudiants du Federal Government College, Yauri, et les enfants de l'Islamiyya School, Katsina, sont toujours en captivité", déclare l'évêque Kukah, et ajoute : "Cela ne comprend pas les centaines d'autres enfants dont la capture a été moins dramatique."

Pour l'évêque catholique nigérian, "rien n'exprime l'impuissance des familles comme le silence de l'État au niveau fédéral."

Les Nigérians ont perdu le compte des centaines d'individus "qui ont été kidnappés et vivent sous le radar de la publicité", affirme Mgr Kukah.

"Nous avons devant nous un gouvernement totalement inconscient des valeurs chères au caractère sacré de la vie", dit-il encore, et il poursuit : "Les récits et les promesses concernant les sauvetages prévus se sont depuis transformés en simples chuchotements."

L'Ordinaire de Sokoto note en outre que le silence du gouvernement ne faisait qu'alimenter "la bête immonde de la complicité avec les actes des personnes malveillantes qui ont suspendu l'avenir de générations entières d'enfants nigérians."

"Chaque jour, nous entendons parler de l'échec des services de renseignement, et pourtant, les experts qui fournissent des renseignements affirment qu'ils ont toujours fait leur devoir avec diligence et efficacité", déclare Mgr Kukah dans son message de Noël, et pose la question suivante : "Le président de la République fédérale du Nigeria ne croit-il pas qu'il doit aux parents et aux citoyens des réponses sur l'endroit où se trouvent nos enfants et sur la date de leur retour à la maison ?"

Il demande en outre : "Le président du Nigeria ne nous doit-il pas une explication et des réponses quant à la date à laquelle les enlèvements, les séquestrations, la brutalité, les massacres insensés et sans fin de nos citoyens prendront fin ? Quand nos réfugiés du Cameroun, du Tchad ou du Niger rentreront-ils chez eux ?"

"Nous avons besoin de réponses urgentes à ces questions", déclare l'évêque catholique nigérian qui a été nommé membre du Dicastère du Vatican pour la promotion du développement humain intégral en janvier. 

Il exhorte la présidence et les personnes à la tête des États "à élaborer une stratégie plus honnête, plus ouverte et plus solide pour mettre fin à l'humiliation de notre peuple et rétablir l'ordre social au sein de notre population. Nous avons supporté suffisamment d'humiliations en tant que communautés et en tant que pays".

L'an dernier, à la même époque, l'évêque catholique qui s'est élevé contre la mauvaise gouvernance au Nigeria se souvient d'avoir tiré la sonnette d'alarme sur l'état périlleux de la situation dans le nord du pays, une prise de position qui a donné lieu à "toutes sortes d'accusations... en particulier de la part des frères du nord".

Le message de Noël 2020 de l'évêque du diocèse nigérian de Sokoto a suscité des controverses dans le pays d'Afrique de l'Ouest, certains accusant l'évêque de "crimes très graves comme la trahison et l'incitation au coup d'État".

Il rappelle également que lorsque les évêques catholiques ont protesté ouvertement contre les meurtres en mars 2020, ils ont été accusés "d'agir contre le gouvernement, des motifs religieux étant imputés à leurs nobles intentions."

"Aujourd'hui, nous sommes pleinement sous l'emprise du mal. Aujourd'hui, un sentiment de vengeance ne fait que m'attrister alors que j'ai vu le Nord se déchaîner dans une cacophonie de querelles et d'accusations sur notre situation tragique", déplore Mgr Kukah. 

Il poursuit : "Un catalogue d'une cruauté sans précédent s'est abattu sur des citoyens innocents dans les États du Nord. Dans leur sommeil, sur leurs terres agricoles, dans leurs marchés, ou même sur l'autoroute, des citoyens innocents ont été fauchés et transformés en offrandes brûlées aux dieux du mal."

"Les communautés ont été transformées en goulags de misère, de mort, de douleur et de perfidie. Nous devons agir rapidement avant qu'Arewa, notre Arewa bien-aimé, ne se transforme en Arewanistan", prévient-il dans son message de Noël 2021 partagé avec ACI Afrique.

L'évêque catholique, qui est à la tête du diocèse de Sokoto depuis son ordination épiscopale en septembre 2011, note en outre que "le défi qui se présente à nous, dirigeants religieux, est de sauver la religion des griffes de ceux qui veulent simplement l'utiliser pour nourrir leurs ambitions de pouvoir."

"Les chefs religieux doivent faire front commun et condamner le manque d'équité envers tout groupe, car les puissants et les impuissants ont tous besoin d'être sauvés. Si nous devons tirer une leçon aujourd'hui de la tragédie que nous vivons, ce sont les conséquences de la mauvaise gestion de nos identités", dit-il.

Mgr Kukah ajoute que la plus grande leçon de "notre tragédie collective au Nigeria est que nous devons cesser de penser que nous pouvons triompher en tant que membres d'une seule foi, d'un seul clan ou d'une seule tribu".

"Une bonne société doit construire des ponts au lieu de murs, utiliser les différences pour construire un beau manteau d'unité comme celui de Joseph", dit-il et il poursuit : "C'est pourquoi Jésus nous a appris à prier "Notre Père" et non "Mon Père"."

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