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Le séminaire des évêques du Cameroun se termine par un appel à une action urgente pour résoudre les crises nationales

Les membres de la Conférence Épiscopale Nationale du Cameroun (CENC) ont exprimé leurs préoccupations face à la détérioration des conditions sociales, économiques et politiques dans le pays, appelant les responsables gouvernementaux et les citoyens à adopter une gouvernance responsable, l'unité nationale et un leadership éthique comme des étapes cruciales vers un développement durable et la paix.

Dans un message adressé au peuple de Dieu de la nation d'Afrique centrale à l'issue de leur 48e Séminaire annuel tenu du 4 au 11 janvier dans le Diocèse Catholique de Buéa, les membres de la CENC mettent en lumière la détresse et les souffrances que vivent de nombreux Camerounais.

« Ces derniers temps, les angoisses de la grande majorité des Camerounais se sont transformées en cris de désespoir face à la misère qu'ils traversent et à la dégradation de notre beau pays, le Cameroun. Nos consciences de pasteurs et de citoyens ne peuvent rester indifférentes à ces cris de détresse », déclarent les évêques catholiques du Cameroun dans leur message du samedi 11 janvier intitulé « Prenez courage, n’ayez pas peur ».

S’adresser à une nation en crise

Les membres de la CENC rappellent leur lettre pastorale de 1990, qui appelait à un examen de conscience au milieu des défis économiques, exhortant l’État à donner la priorité au bien-être de son peuple.

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« En 1990, nous avons adressé une lettre pastorale à tous nos compatriotes sur la crise économique dans notre pays, dans laquelle nous invitions chacun de nos concitoyens à examiner sa conscience face aux deux graves crises économiques que traversait notre pays. Nous espérions qu’un tel examen de conscience conduirait à des solutions rapides et radicales », rappellent les évêques.

Ils poursuivent : « Nous avons alors lancé un appel aux autorités publiques pour qu’elles veillent à ce que les populations dans leur détresse ressentent toujours et partout le soutien de l’État. Elles devaient s’assurer que l’intérêt national et le bien-être de nos concitoyens primaient dans leurs actions. Nous avons aussi appelé tous les Camerounais à changer leur vie, à convertir leur cœur, en rappelant que nous ne sommes pas seulement des victimes de la crise, mais aussi ses causes et ses agents. »

Malgré des décennies d'appels, ils déplorent que le pays reste pris dans une « stagnation économique et sociale » avec un avenir incertain.

« Malheureusement, 35 ans après avoir tiré la sonnette d’alarme sur la crise économique et 65 ans après l’indépendance de notre pays, il faut dire que nous vivons encore dans une stagnation économique et sociale avec un avenir incertain », regrettent-ils.

Fardeau fiscal

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Dans leur message du 11 janvier, les évêques catholiques dénoncent également le poids fiscal pesant sur les citoyens.

« L’un des facteurs de l’angoisse des Camerounais est sans aucun doute le fardeau fiscal, qui augmente d’année en année au détriment des populations les plus vulnérables. Cela apparaît comme le moyen ultime d’étouffer ces Camerounais dont le pouvoir d’achat est déjà si faible », déplorent-ils.

Ils ajoutent : « La preuve en est l’inapplication de l’article 66 de notre loi fondamentale et de son texte d’application, à savoir la Loi No. 003-2006 du 25 avril 2006, qui oblige tout Camerounais assumant des responsabilités importantes au service de la nation à déclarer ses biens. »

« Nous nous demandons si un pays peut être construit uniquement sur et par l’impôt », posent les évêques.

Ils poursuivent : « Il est bien connu que le Cameroun constitue un véritable scandale de bénédictions en raison de ses forêts, de ses eaux, de son sol et de son sous-sol. Pourtant, nous assistons au pillage organisé de notre patrimoine économique. Nous pensons particulièrement à la braderie et à l’aliénation des concessions minières et agricoles, conclues dans des accords signés ici et là d’une manière hautement discutable. »

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Corruption et mauvaise gestion

Dans leur message, les membres de la CENC dénoncent la corruption comme un « cancer persistant » qui compromet le progrès du Cameroun.

Faisant référence au récent discours de fin d’année du Président Paul Biya, les évêques catholiques soulignent : « Le Chef de l’État reconnaît que le malaise des Camerounais découle également de la mauvaise gouvernance et donc d’une mauvaise gestion des affaires publiques. Il a cité, par exemple, le cas des routes et des infrastructures urbaines. »

Les évêques insistent sur le fait que la corruption freine le développement, perpétue la pauvreté et érode la confiance dans les institutions.

« Chacun semble obligé de corrompre ou d’être corrompu. C’est comme si nous étions contraints de vivre avec la corruption et de l’accepter comme une réalité quotidienne, renforçant ainsi ce fléau », regrettent-ils.

Échecs d’infrastructure et de gouvernance

Les évêques pointent du doigt la gestion gouvernementale des infrastructures, mettant en évidence le retard dans le développement routier et l’aménagement urbain malgré des allocations budgétaires importantes.

« Comment expliquer que l’année 2024 se soit terminée avec seulement 446 kilomètres de routes asphaltées et 228 kilomètres de routes réhabilitées ? », interrogent-ils.

Ils poursuivent : « Comment expliquer que 65 ans après l’indépendance, notre développement ne puisse garantir des droits humains fondamentaux tels que le droit à l’alimentation, à l’éducation, à des soins de santé de qualité, à la justice, bref, au droit à la vie ? »

Appel à un renouveau national et au dialogue

Face à la violence persistante dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les évêques plaident pour un dialogue sincère et la réconciliation.

« La crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi que les troubles dans l’Extrême-Nord, bien que contenus, continuent de faire des victimes. Dans la région du Nord-Ouest en particulier, où la reconstruction avait commencé, la violence persiste avec des groupes de guérilla semant la terreur », soulignent-ils.

Ils ajoutent : « La violence dure depuis sept ans. Est-ce que ceux qui alimentent la guerre s’enrichissent scandaleusement et ne veulent pas qu’elle prenne fin ? »

Les évêques appellent à l’humilité des dirigeants politiques et à un dialogue apaisé, affirmant que « la vraie paix vient de la réconciliation, non des cimetières ».

Recommandations pour l'avenir

Dans leur message, les évêques proposent des mesures concrètes : promouvoir la transparence, créer des emplois pour les jeunes, combattre la corruption, garantir les droits humains, et investir dans des infrastructures durables.

Ils exhortent aussi les citoyens à exercer leurs droits avec responsabilité et les médias à préserver l’éthique journalistique.

Espoir malgré les défis

Malgré un sombre tableau, ils encouragent à garder espoir. « Dieu est avec nous. Et si Dieu est avec nous, qui peut être contre nous ? »

Ils concluent en appelant à la responsabilité individuelle pour faire prospérer le Cameroun et invoquent la protection de la Vierge Marie, Reine de la Paix.

Jude Atemanke

Jude Atemanke est un journaliste camerounais passionné par la communication de l'Église catholique. Il est titulaire d'une licence en journalisme et communication de masse de l'Université de Buea au Cameroun. Actuellement, Jude est journaliste pour ACI Afrique.