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Plus de 50 morts dans un attentat au Plateau (Nigéria) : un évêque catholique fustige « la drogue de l'autosatisfaction

Le peuple de Dieu au Nigeria semble avoir consommé un « tranquillisant » qui expliquerait son silence face aux attaques meurtrières, a déclaré Mgr Matthew Hassan Kukah, évêque du diocèse catholique de Sokoto.

Dans une déclaration publiée mardi 15 avril, Mgr Kukah a réagi à la dernière attaque meurtrière dans l’État du Plateau, qui aurait fait au moins 51 morts.

Cette attaque du 14 avril dans le nord du Nigeria survient exactement deux semaines après que plus de 50 personnes ont perdu la vie lors d'affrontements dans une autre partie de ce même État.

C’est également dans cet État qu’environ 200 chrétiens ont été massacrés la veille de Noël 2023.

« Voici le Nigeria ; aucune quantité de sang ne suffit jamais à nous faire réfléchir », déplore Mgr Kukah dans sa déclaration.

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Pour le prélat catholique nigérian, « nous sommes tous sous l’effet d’un tranquillisant de complaisance, au point que nous ne faisons que comparer les chiffres ou attribuer aux morts des identités ethniques ou religieuses ».

« Ni la brutalité, ni la bestialité, ni le primitivisme, ni la cruauté, la sauvagerie, la méchanceté, la barbarie ou l’inhumanité des meurtriers en folie ne peuvent nous sortir de notre stupeur », affirme-t-il à propos de l’attaque du 14 avril, qui a aussi coûté la vie à deux enfants de trois et cinq ans.

Il poursuit en déplorant qu’au Nigeria, « il y aura des condamnations verbales, des menaces timides et voilées, devenues routinières ».

Il y aura aussi « suffisamment de responsabilités à rejeter sur les autres », observe l’évêque, connu pour son engagement en faveur de la bonne gouvernance.

Il critique les autorités censées protéger les Nigérians, ajoutant qu’il serait « redondant de dire que la normalité est revenue, puisqu’elle n’était jamais partie ».

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« Ceux qui étaient censés empêcher cela de se produire vont simplement poursuivre leur vie », déplore l’Ordinaire du diocèse de Sokoto dans sa déclaration du 15 avril, publiée après avoir présidé la messe chrismale dans son diocèse.

Il dresse ensuite un tableau sombre de la perte incessante de vies innocentes dans le Plateau, qu’il compare à des « affluents » se jetant dans un océan invisible de sang menaçant d’engloutir l’État.

« Les rivières de sang ont coulé de diverses directions — à travers Jos, Dogo Na Hawa, Bukuru, Gwong, Shendam, Yelwa, Wase, Langtang, Riyom, Kadarko, Shere, (et) Miango, pour n’en citer que quelques-unes », dit-il.

Mgr Kukah ajoute qu’« il faudrait une loupe pour voir quelles communautés n’ont pas été touchées dans le Plateau ».

« Dans d’autres régions du pays, les bandits poursuivent leur danse du mal, encerclant le territoire, capturant, torturant et infligeant les traitements les plus inhumains à notre population », déclare-t-il.

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« Par ailleurs, nous apprenons que Boko Haram est de nouveau en furie, revenant avec une force renouvelée. Peut-être ne sont-ils jamais vraiment partis », affirme l’évêque de Sokoto depuis sa consécration en septembre 2011, notant que ces groupes agissent avec impunité, tandis que les autorités semblent réticentes à les affronter avec fermeté.

Ces groupes, poursuit-il, « sont devenus invisibles car ils sont enracinés dans toutes les structures du pouvoir à travers le pays » et le gouvernement semble « n’avoir ni plan ni stratégie pour affronter ces ennemis ».

Le Nigeria a, « en moins d’une semaine, perdu près de deux cents vies humaines », déplore Mgr Kukah, avertissant que le temps presse pour les dirigeants de la nation ouest-africaine.

« Il est difficile de savoir quoi dire de plus. La plus grande tragédie, c’est que nous sommes tous d’accord pour dire que nous attendons simplement la prochaine attaque. À ce titre, nous sommes tous des témoins coupables », continue-t-il, mettant en garde : « l’horloge tourne » pour le Nigeria.

Dans sa déclaration du 15 avril, Mgr Kukah exprime sa solidarité spirituelle envers les familles des victimes des récentes vagues de violences, et implore : « Que Dieu console les familles et les communautés, et accorde la paix aux défunts. »

Nicholas Waigwa