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Un cardinal ivoirien aux politiciens : "La réconciliation est plus importante que les élections"

Jean Pierre Cardinal Kutwa, archevêque d'Abidjan lors de la conférence de presse du 31 août dans la capitale économique de la Côte d'Ivoire, Abidjan. Domaine public Jean Pierre Cardinal Kutwa, archevêque d'Abidjan lors de la conférence de presse du 31 août dans la capitale économique de la Côte d'Ivoire, Abidjan.
Domaine public

Dans une déclaration, le cardinal de Côte d'Ivoire a exprimé ses préoccupations concernant les violences liées aux élections dans ce pays d'Afrique de l'Ouest et a appelé les parties en conflit à regarder au-delà de l'événement électoral et à se concentrer plutôt sur la réconciliation du peuple de Dieu.

"En vérité, la réconciliation est plus importante que les élections. Voilà pourquoi, il est totalement erroné de penser qu’il suffit d’organiser des élections, d’en déclarer un vainqueur, pour que les cœurs meurtris soient guéris et que la paix s’installe", déclare le cardinal Jean Pierre Kutwa dans un message publié lundi 31 août.

Les élections devraient avoir lieu le 31 octobre. Le cardinal a lu son message aux journalistes lors d'une conférence de presse qui s'est tenue à la cathédrale Saint-Paul d'Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire.

"La vie socio-politique de notre pays aborde un virage dangereux. Au fur et à mesure que s’approche l’échéance des élections présidentielles, force nous est donné de constater la radicalisation des positions de part et d’autre. Celles-ci se sont d’autant plus accentuées depuis la déclaration de candidature du Président de la République le 06 août 2020.", déclare le Cardinal Kutwa dans le communiqué du 31 août obtenu par ACI Afrique.

"Certains citoyens ont pris les rues pour appeler au respect de la Constitution, qui, selon eux, venait ainsi d’être violée", dit l'archevêque d'Abidjan avant d’ajouter, "Cette situation a conduit à des violences inacceptables. Des citoyens d’un même pays, armés de gourdins, de pierres, de machettes et d’armes à feu, se sont livrés à des massacres d’un autre âge, causant, comme il fallait s’y attendre, des morts et d’innombrables blessés, sans compter des dégâts matériels."

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Dans la déclaration qu'il a adressée aux hommes politiques, aux Ivoiriens et aux personnes de bonne volonté, le cardinal s'interroge : "Devant un tel spectacle désolant et déshonorant pour notre pays et pour l’Afrique, peut-on honnêtement rester inactif et passif, pour ne pas dire indifférent ? Peut-on garder le silence et laisser le présent et l’avenir de notre pays être dévorés par l’épée et le feu ? "

Les tensions en Côte d'Ivoire, premier producteur mondial de cacao, augmentent le long des lignes de fractures politiques et ethniques, à l'approche des élections présidentielles du 31 octobre.

L'annonce du président Alassane Ouattara de se présenter pour un troisième mandat lors des prochaines élections a déclenché de violentes protestations dans ce pays d'Afrique de l'Ouest. Il avait auparavant déclaré qu'il ne se présenterait pas, exprimant son soutien au Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, décédé le 8 juillet des suites d'une crise cardiaque.

Dans la déclaration du 31 août, le cardinal de 74 ans affirme qu'un "environnement délétère n'est pas de bon augure pour l'organisation des élections". Laissons-nous réconcilier les uns avec les autres ! Tout le reste ira de soi."

Il exhorte les hommes politiques et leurs partisans à rechercher la voie du dialogue en disant : "J'en appelle solennellement à la conscience individuelle et collective pour mettre fin à la violence et faire place au dialogue. Je voudrais inviter les uns et les autres à aller au dialogue et à la concertation, dans la recherche de solutions à cette crise qui n’augure pas d’un lendemain meilleur quant à l’organisation paisible des élections. ". 

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"La Côte d’Ivoire notre pays, est un pays de dialogue par tradition", dit le cardinal qui met en garde, "Ne mettons pas le dialogue sous éteignoir pour emprunter des chemins qui n’honorent pas notre cher pays".

"L’un des moyens pour aller à la réconciliation, est le respect des lois que l’on se donne bien plus que les élections", poursuit le cardinal ivoirien. 

Pour lui, "seule la recherche du bien commun permettra à l'État et à ceux qui l'incarnent d'aider les citoyens à connaître et à respecter les droits, les libertés et les devoirs de tous. Si le droit de la personne humaine en général, et à la vie en particulier, est inviolable, il ne peut être sacrifié sur l'autel d'intérêts particuliers et d'élections qui sont censés nous apporter la paix et le développement".

Se tournant vers le président Ouattara, le cardinal Kutwa déclare que sa candidature aux prochaines élections "n'est pas nécessaire" et exhorte le chef de l'État à s'efforcer de "rétablir le calme dans le pays, de rassembler les Ivoiriens, de prendre le temps d'organiser les élections dans un environnement pacifié par la réconciliation".

"Je prie pour que chacun, dans l'exercice de sa responsabilité, ait la sagesse de tout accomplir dans le strict respect de la loi. L'injustice sous quelque forme que ce soit sera la cause du désordre. Seule une justice qui reconnaît les droits et les devoirs de chacun nous apportera la paix", dit le cardinal.

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Il conclut : "Puissions-nous, dans un esprit de civilité et de concertation, donner au droit toute sa force pour nous aider à vivre dans la justice, la réconciliation et la paix, en vue d'une organisation consensuelle d'élections sans violence. ”