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"Nous sommes dans un état de misère totale" : Un évêque catholique sur les violations des droits de l'homme en RD Congo

L'évêque du diocèse de Butembo-Beni, en République démocratique du Congo (RDC), a dénoncé les attaques terroristes et les graves violations des droits de l'homme qui semblent viser les chrétiens de l'Est du pays, une région couverte par son siège épiscopal. 

Dans un rapport publié par l'organisation caritative pontificale Aide à l’Eglise en Détresse (AED), Mgr Melchisedec Sikuli Paluku déclare que le nombre d'attaques terroristes semble "particulièrement élevé dans la partie nord de notre diocèse. Des groupes armés détruisent des écoles et des hôpitaux". 

"Ils tuent même les malades alors qu'ils sont couchés sur leur lit d'hôpital. Il ne se passe pas un jour sans que des gens soient tués", déplore Mgr Paluku dans le rapport d'AED partagé avec ACI Afrique jeudi 20 mai. 

L'évêque congolais ajoute : "Beaucoup ont vu leurs parents se faire tuer. Il y a beaucoup d'orphelins et de veuves. Des villages ont été réduits en cendres. Nous sommes dans un état de misère totale".

Il poursuit : "La vie publique s'est arrêtée par peur des attaques terroristes et pour protester contre l'effondrement du gouvernement."

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Mgr Paluku lance un appel au soutien des victimes de ces attaques en déclarant : "Nous avons besoin de centres où les gens peuvent aller pour une thérapie. Beaucoup de personnes sont traumatisées."

Depuis des décennies, la région orientale de la RDC, riche en ressources naturelles, est en proie à de violentes attaques qui seraient le fait de soldats du groupe rebelle des Forces démocratiques alliées (ADF). 

AED rapporte que "les conflits ethniques, les déplacements démographiques et l'accès aux matières premières" sont des facteurs importants qui alimentent la crise dans l'Est de la RDC. Les attaques ont entraîné un déplacement interne massif des populations.

Mgr Paluku aurait déclaré que la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) estime que plus de 6 000 personnes ont été tuées à Beni depuis 2013 et plus de 2 000 à Bunia pour la seule année 2020.

"En outre, il y a au moins 3 millions de personnes déplacées et environ 7 500 personnes ont été enlevées", a déclaré l'évêque congolais. 

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Au début du mois, la direction de AED indiqué que depuis le début du mois d'avril, une vague de protestations, parfois violentes, a secoué la RDC, les participants aux manifestations demandant la fin de l'insécurité.

Justifiant les protestations, Mgr Paluku aurait déclaré dans le rapport du 3 mai : "Vous ne pouvez pas demander aux gens qui sont massacrés comme des animaux de se taire et de ne rien faire. Ils ont tout à fait le droit de demander la sécurité, tout à fait le droit de demander la liberté. Nous demandons simplement que cela se fasse dans le respect de la loi, pacifiquement et sans violence."

Dans le rapport de l'AED du 3 mai, Mgr Sikuli a décrit l'insurrection islamiste comme un "chemin vers l'islamisation, également visible dans la prolifération des mosquées".

L'évêque, qui est à la tête du diocèse de Butembo-Beni en RDC depuis août 1998, a déclaré que ceux qui sont derrière la persécution des chrétiens ont "un grand projet d'islamisation ou d'expulsion des populations locales".

Interrogé sur la raison pour laquelle il a parlé d'islamisation alors que les personnes impliquées dans les enlèvements et les attaques dans la région font partie de l'ADF, un groupe rebelle qui ne se revendique pas comme une entité islamiste, l'évêque a répondu : "Tous ceux qui ont été enlevés par ces groupes terroristes et qui en sont sortis vivants rapportent la même chose."

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"On leur (les victimes) a donné le choix entre la mort et la conversion à l'islam", a raconté Mgr Paluku dans le rapport de l'AED du 3 mai, ajoutant en référence aux personnes qui ont survécu après avoir été enlevées : "On leur donne des noms musulmans pour cimenter leur identité."

"Quel type de relation devons-nous avoir avec cette forme d'islam, qui n'est pas seulement une religion, mais aussi un mouvement politique lié au terrorisme ?", a posé l'évêque.

L'Église catholique est restée au service du peuple, déclare l'évêque de 69 ans dans le rapport AED du 20 mai partagé avec ACI Afrique, et explique : "Nous sommes à 1500 miles de la capitale. Comme le gouvernement ne fait rien ici, nous devons nous débrouiller seuls. Nous ne recevons aucune aide. L'Église a tout de même réussi à construire des écoles dans la région. ”

L'évêque de Butembo-Beni ajoute : "Les gens pleurent parce qu'ils ont des raisons de le faire. Mais ils portent aussi en eux une graine d'espoir. Ils ont une résilience naturelle qui est renforcée par l'évangélisation."

Le plus grand défi, selon Mgr Paluku, est de "renforcer la foi des catholiques. L'islam nous est imposé. Des mosquées sont construites partout, même si personne n'en a besoin. Elles ne ressemblent pas aux mosquées traditionnelles que nous connaissons."

Il note que "le christianisme a été introduit dans cette région il y a environ 120 ans" et "l'évangélisation porte ses fruits. Nous avons de nombreuses vocations dans notre diocèse".

"Notre présence donne aux gens l'espoir qu'ils seront capables de surmonter leurs adversités actuelles et que des jours meilleurs viendront", déclare Mgr Paluku.