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Un expert catholique en journalisme réfléchit aux questions morales liées à la vie privée et aux données.

Dr William Thorn, professeur associé émérite de journalisme et d'études des médias/Institut des médias catholiques au Diederich College of Communication de l'Université Marquette. Crédit : William Thorn/CNA. Dr William Thorn, professeur associé émérite de journalisme et d'études des médias/Institut des médias catholiques au Diederich College of Communication de l'Université Marquette. Crédit : William Thorn/CNA.

CNA s'est récemment entretenu avec le Dr William J. Thorn au sujet de la récente enquête qui a conduit à la démission de Mgr Jeffrey Burrill en tant que secrétaire général de la conférence épiscopale américaine.

M. Thorn est professeur associé émérite de journalisme et d'études des médias/Institut des médias catholiques au Diederich College of Communication de l'Université Marquette. Il est titulaire d'un doctorat en communication de masse de l'Université du Minnesota, d'une maîtrise de l'Université du Wisconsin - Madison et d'une licence du Loras College.

Vous trouverez ci-dessous le texte intégral de l'entretien de CNA avec M. Thorn :

1) Après la récente utilisation controversée de l'exploration de données pour exposer une personnalité de l'Église, pouvez-vous nous expliquer les grandes lignes du journalisme d'investigation et ce qui constitue les limites éthiques du journalisme d'investigation ?

Le rapport sur le révérend Burrill souligne les défis que les médias sociaux et les technologies émergentes ont créés, car ils brouillent les frontières entre les informations privées et publiques. Grindr se décrit comme "l'application de réseau social la plus importante au monde pour les gays, les bi, les trans et les queers". En tant que réseau social géolocalisé et site de rencontre en ligne, Grindr a été l'une des premières applications géosociales pour les hommes homosexuels lors de son lancement en mars 2009. En tant que réseau social public, il dispose de contrôles de confidentialité limités. Ces réseaux sociaux semi-publics compromettent les anciennes limites de l'enquête éthique. Cette limite est peut-être mieux illustrée par la position d'un ami qui était journaliste à la mairie. Chaque fois qu'il recevait un appel téléphonique ou un commentaire verbal sur une malversation présumée, il exigeait un document public tel qu'un formulaire de frais de déplacement ou une lettre contenant la base factuelle d'une enquête. En d'autres termes, on ne pouvait faire confiance ni aux plaintes personnelles ni aux ouï-dire, mais on pouvait se fier aux informations imprimées. Traditionnellement, une enquête éthique s'appuie sur des faits qui font partie des archives publiques ou qui peuvent être vérifiés par des documents publics ou des entretiens avec des témoins fiables. Un autre principe éthique consiste à se concentrer sur les actions qui peuvent être prouvées par des preuves factuelles ou des témoins plutôt que sur des insinuations sur le sujet basées sur des preuves circonstancielles. Une fois que les faits vérifiables sont connus, le journaliste d'investigation confronte le sujet et lui donne l'occasion de nier, d'admettre un acte répréhensible ou de s'expliquer. Les lois sur la diffamation et la calomnie fournissent des limites et des guides au journalisme d'investigation sur des personnes dont la réputation et le nom peuvent être en jeu. Le simple fait de tirer des conclusions d'une source en ligne remet sérieusement en cause la vérifiabilité et risque de diffamer un individu innocent.

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2) Des complications apparaissent maintenant dans le domaine de l'exploration des données et du journalisme. Selon vous, comment l'agrégation de données acquises de manière douteuse va-t-elle à l'encontre des limites morales précédemment établies du journalisme d'investigation ?

Les nouvelles technologies d'extraction de données posent une multitude de problèmes de confidentialité pour le journalisme d'investigation, qu'il s'agisse d'individus éminents ou de citoyens ordinaires, par exemple dans des domaines tels que la santé et les habitudes personnelles, qui nécessitent des preuves contextuelles vérifiables pour parvenir à une conclusion fondée sur des faits. Mais les limites juridiques diffèrent des contraintes morales qui exigent de faire attention à l'impact des conclusions fondées sur des données moins fiables qui peuvent détruire ou endommager sérieusement la réputation d'un individu. L'une des compromissions morales et éthiques les plus flagrantes du journalisme d'investigation s'est produite au Denver Post du début du 20e siècle, dont les reporters ont rédigé des biographies détaillées de riches magnats de l'argent, y compris de leurs comportements scandaleux, voire illégaux. Les rédacteurs en chef utilisaient ensuite ces histoires pour faire chanter leurs sujets. Les reportages étaient exacts, leur but était illégal.



3) Le fait qu'une source paie pour obtenir des informations modifie-t-il le calcul pour savoir si un journaliste doit ou non utiliser cette source ?

Une source qui paie pour des informations soulève automatiquement des questions sur les motivations du bénéficiaire et du destinataire, ainsi que sur la fiabilité des informations.




4) Beaucoup célèbrent la démission de Mgr Burrill et les efforts qui ont conduit à sa démission. Du point de vue de l'éthique catholique, cette fin apparemment réussie justifie-t-elle les moyens ?

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La fin ne justifie jamais les moyens, même s'ils sont numériques et semblent crédibles en raison de la technologie. La célébration soulève des questions sur les motifs ignobles, par exemple, la vengeance ou l'animosité personnelle liée à l'enquête.

4) Un autre argument avec des voix concurrentes porte sur la question de savoir si la corruption doit être mise en lumière pour être guérie. Veuillez expliquer, du point de vue de l'éthique catholique, quand, où et dans quelle mesure il serait approprié de publier des informations alléguant ou prouvant une corruption qui est un péché grave mais non criminelle.

La guérison dépend, en partie, du mal impliqué. Dans le cas de Mgr Burrill, il n'y a que des preuves circonstancielles de comportement basées sur la localisation GPS, sans témoin oculaire ou autre preuve factuelle telle qu'un reçu de carte de crédit. L'exploration de données basée sur la routine de localisation de Grindr semble un peu spécieuse pour "mettre en lumière la corruption", un adage basé sur l'éradication de la corruption des politiciens et des fonctionnaires. Dans un contexte ecclésial comme celui de l'USCCB, la question porte sur la corruption précise et sur la manière dont elle peut être guérie par la mise en lumière. Les données de localisation de Grindr insinuent mais ne démontrent pas la corruption présumée, ou peut-être un niveau d'ignorance de l'utilisateur concernant la confidentialité réelle de l'application Grindr. La guérison d'un comportement pécheur ne nécessite pas une connaissance publique, comme le démontre le sacrement de la réconciliation. En revanche, l'abus de la confiance du public ou l'utilisation abusive des fonds de l'Église peuvent contribuer à la guérison de la communauté s'ils sont exposés, par exemple le scandale des abus sexuels ou le détournement des fonds de l'Église.



5) Veuillez expliquer en quoi le fait de dire la vérité se distingue de la détraction, en reconnaissant que de nombreux catholiques aspirent à une réforme qu'ils ne voient pas venir de la part de la plupart des évêques.

Les faits qui démontrent une malversation réelle distinguent la vérité de la détraction, de la diffamation et de la calomnie. La réforme doit être basée sur une corruption démontrable afin qu'elle ne puisse pas être simplement rejetée comme une jalousie mesquine ou une imagination fervente. Des procès clairs et des verdicts de culpabilité ont lancé de sérieuses réformes dans les affaires d'abus sexuels.

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6) L'incorporation rapide et croissante de la technologie dans le journalisme d'investigation semble être inévitable et souvent positive. Quelles sont, selon vous, les limites qui ont été franchies, le cas échéant, dans l'"enquête" qui a conduit à la démission de Mgr Burrill ?

Deux lignes : quelles preuves tangibles, non numériques, y avait-il d'actes répréhensibles ? Quelles preuves documentaires ou témoins oculaires corroborantes justifiaient la publication ? Mgr Burrill a-t-il été correctement et rapidement informé des preuves numériques et a-t-il eu la possibilité de se défendre ? Ou lui a-t-on fait du chantage pour qu'il démissionne "pour le bien de l'USCCB" ?



7) Un représentant de l'Eglise tel que Mgr. Burrill est-il un citoyen privé ou un représentant public ? Et quelles peuvent être les ramifications juridiques ?

Il est un citoyen privé en termes juridiques américains. Son rôle au sein de l'USCCB fait de lui un fonctionnaire ecclésiastique public, mais la question de savoir si cela fait de lui une personnalité publique au sens de la loi américaine sur la diffamation telle que définie en 1966 par la Cour suprême dans l'affaire NY Times v. Sullivan semble être une question juridique ouverte. En vertu de l'arrêt Sullivan, les élus publics doivent s'attendre à des critiques sévères, voire vitrioliques, et sont tenus de démontrer une "intention malveillante réelle", c'est-à-dire qu'ils savent que leurs propos sont faux ou qu'ils ne tiennent pas compte de la vérité, afin de gagner un procès en diffamation. N'étant ni un politicien élu ni une personnalité publique, Mgr Burrill serait protégé par les lois sur la diffamation comme un citoyen ordinaire.