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Le dernier moine catholique ayant survécu au massacre d'un monastère algérien décédée à l'âge de 97 ans

Le pape François salue le frère Jean-Pierre Schumacher, dernier survivant Tibhirine, le 31 mars 2019 au Maroc. Crédit : Vatican Media Le pape François salue le frère Jean-Pierre Schumacher, dernier survivant Tibhirine, le 31 mars 2019 au Maroc. Crédit : Vatican Media

Le moine catholique Jean-Pierre Schumacher a dû raconter le massacre tristement célèbre du monastère algérien de Tibhirine en 1996, au cours duquel sept de ses confrères ont été sauvagement tués.

Mais alors que le monde célébrait la solennité du Christ Roi de l'univers le dimanche 21 novembre, le "dernier des compagnons des martyrs de Tibhirine", comme on appelait le Frère Jean-Pierre, est lui aussi décédé.

Annonçant le décès du moine le lundi 22 novembre, l'agence Fides écrit : " Le dernier survivant de Tibhirine a quitté ce monde. Son cœur s'est arrêté dans la matinée du dimanche 21 novembre, fête du Christ Roi de l'Univers, au monastère de Notre-Dame de l'Atlas, situé à Midelt, sur les pentes de l'Atlas marocain, dernier bastion trappiste d'Afrique du Nord."

Le service d'information de Propaganda Fide rapporte que le Frère Jean-Pierre aurait eu 98 ans en février prochain. Il s'était installé comme moine en Algérie en 1967.

Le Supérieur Christian de Chergé et les six autres moines confrères du Frère Jean-Pierre ont été enlevés dans la nuit du 26 au 27 mars 1996, dans un pays dévasté par la guerre civile.

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L'agence Fides rapporte que le Frère Jean-Pierre, ainsi qu'Amèdèe (décédée en 2008), avaient échappé à l'enlèvement parce que cette nuit-là, il était de service comme concierge, dans un bâtiment adjacent au monastère.

Deux mois après l'enlèvement, les têtes coupées des sept moines ont été retrouvées le long d'une route. Les rapports indiquent qu'ils avaient été abattus et que leurs têtes avaient été séparées de leurs corps.

Leurs corps n'ont jamais été retrouvés alors que leurs têtes ont été retrouvées le 21 mai 1996, apparemment momifiées, car elles avaient été enterrées puis désincarcérées avant d'être laissées à côté d'un arbre en Algérie. Leur inhumation a eu lieu au monastère le 4 juin 1996 après des funérailles solennelles à la cathédrale d'Alger.

Les sept qui ont servi à l'archidiocèse catholique d'Alger ont été béatifiés le 8 décembre 2018 avec 12 autres martyrs d'Algérie.

Avant sa mort, le Frère Jean-Pierre a raconté les longues années de vie fraternelle passées avec ses confrères, en disant : "C'était si beau."

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Le massacre de Tibhirine a été en partie attribué aux bandes clandestines du Groupe islamique armé, l'organisation terroriste islamiste née en 1991 après le refus du gouvernement algérien de reconnaître les résultats électoraux favorables aux forces islamistes.

L'Agenzia Fides rapporte toutefois que les auteurs du massacre n'ont jamais été identifiés avec certitude. 

La guerre civile algérienne est un conflit armé entre le gouvernement algérien et divers groupes rebelles islamistes, qui a débuté en 1991. On dit que le conflit s'est effectivement terminé par une victoire du gouvernement, après la reddition de l'Armée islamique du salut et la défaite du Groupe islamique armé en 2002.

L'agence Fides rapporte que quatre ans après le martyre de ses confrères, le Frère Jean-Pierre s'était installé au Maroc, devenant prieur de la communauté trappiste de Notre-Dame de l'Atlas.

On dit qu'il s'est toujours demandé pourquoi il avait survécu alors que ses confrères avaient été brutalement assassinés lors de la tristement célèbre guerre civile algérienne, qui a fait environ 200 000 victimes.

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" Plusieurs fois, il (Frère Jean-Pierre) a confessé le poids d'une question qui l'accompagnait toujours : 'Pourquoi le Seigneur avait-il permis que je reste en vie ?'. Au fil du temps, il avait perçu que son destin de "survivant" du massacre coïncidait avec la mission de "témoigner des événements de Tibhirine et de faire connaître l'expérience de communion avec nos frères musulmans, que nous poursuivons maintenant ici au monastère de Midelt, au Maroc", rapporte l'agence Fides.

Le moine et Amédée se seraient identifiés comme "le petit reste" de Tibhirine dans leur nouvelle maison.

"Notre présence au monastère était un signe de fidélité à l'Évangile, à l'Église et à la population algérienne", dit-il dans le reportage de l'Agenzia Fides.

Le service d'information de Propaganda Fide explique que les trappistes de Tibhirine ne voulaient pas devenir des martyrs, ajoutant : "Mais dans la fidélité à leur vocation monastique, ils ont voulu partager avec tous les Algériens le risque d'être la cible de la violence aveugle qui, dans ces années-là, ensanglantait le pays et multipliait les massacres d'innocents."

"En tant que Français, ils pouvaient partir, mais ils ne l'ont pas fait", rapporte Agenzia Fides.

Les deux survivants se sont distingués par la manière dont ils ont encouragé la coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans.

Le fr. Jean-Pierre aurait un jour déclaré à un journaliste français : "À Tibhirine, les cloches du monastère ont sonné et les musulmans ne nous ont jamais demandé de les faire taire. Nous nous respectons mutuellement au cœur même de notre vocation commune : adorer Dieu."

Il aurait également admis s'être réveillé pour prier à une heure où les musulmans prient.

"Au Maroc... nous vivons cette communion dans la prière, lorsque nous nous levons la nuit pour prier, au même moment où nos voisins musulmans sont réveillés par le muezzin."

Il a ajouté : "La fidélité au rendez-vous de la prière est le secret de notre amitié avec les musulmans."