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"Condamnation à mort de ceux qui tentent de survivre" : Un évêque parle de la suspension de l'aide alimentaire en Éthiopie

Aide alimentaire destinée aux victimes de la guerre du Tigré. Crédit : CBCE Aide alimentaire destinée aux victimes de la guerre du Tigré. Crédit : CBCE

Mgr Tesfaselassie Medhin, évêque de l'éparchie éthiopienne d'Adigrat, a dénoncé la suspension de l'aide alimentaire dans ce pays de la Corne de l'Afrique, qualifiant cette décision de "condamnation à mort" pour un peuple qui lutte pour rester en vie.

Le 9 juin, le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé la suspension de l'aide alimentaire à l'Éthiopie, affirmant que les "dons étaient détournés des personnes dans le besoin". Un jour plus tôt, l'Agence américaine pour le développement international (USAID) avait fait une annonce similaire.

Dans une déclaration que ACI Afrique a obtenue dimanche 25 juin, Mgr Medhin, qui qualifie également la suspension de l'aide alimentaire d'"inhumaine", souligne la nécessité d'avoir en place une alternative à la suspension annoncée afin de sauver des vies.

"Aujourd'hui, des centaines de personnes meurent de faim parce que l'aide alimentaire a été suspendue pendant des mois et des mois", déplore l'évêque catholique éthiopien, qui ajoute que "ce n'est pas le prix à payer pour réparer le système".

Il poursuit : "Bien que le détournement et le vol de denrées alimentaires qui ont eu lieu et qui ont empêché d'atteindre la population qui en a cruellement besoin dans le Tigré et dans d'autres régions d'Éthiopie soient totalement inacceptables et inhumains, je souhaite appeler les décideurs à prendre en considération notre humanité commune et les supplier de ne pas prononcer une condamnation à mort à l'encontre de ceux qui tentent de survivre à la suite d'un terrible conflit armé, ceux qui meurent en ce moment même."

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"Au nom de notre humanité commune, nous ne devrions jamais permettre que la nourriture soit retirée à ceux qui essaient de manger pour survivre - pas par ceux qui choisissent la voie de la violence et de la guerre, pas par ceux qui cherchent à détruire les moyens de subsistance des gens, pas par ceux qui cherchent le gain financier ou la monnaie forte et pas par ceux qui sont assez riches et influents pour décider de la distribution des réserves alimentaires disponibles que nous partageons sur cette planète", déclare Mgr Medhin dans son message daté du 20 juin.

La région du Tigré, la plus septentrionale de l'Éthiopie, a été durement touchée par un conflit civil impliquant des milices ethno-régionales, le gouvernement fédéral et l'armée érythréenne depuis novembre 2020.

Bien que ce conflit dévastateur de deux ans ait apparemment pris fin en novembre 2022, des millions de personnes dépendent encore de l'aide humanitaire.

En octobre dernier, Mgr Medhin a qualifié la situation de son siège épiscopal de "situation génocidaire extrêmement douloureuse".

"L'éparchie catholique d'Adigrat, qui vit elle-même cette situation génocidaire extrêmement douloureuse dans le Tigré, réaffirme comme d'habitude son engagement à être solidaire par la sympathie, les prières et les œuvres de charité avec toutes les personnes qui traversent une souffrance inexplicable dans le Tigré et dans tout le pays", a déclaré l'évêque catholique éthiopien dans son message du 5 octobre 2022.

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Dans sa déclaration du 20 juin, le chef de l'Église catholique, âgé de 70 ans et à la tête de son éparchie catholique natale d'Adigrat depuis son ordination épiscopale en janvier 2002, déplore que "pendant de nombreux mois, la nourriture n'a pas pu parvenir à ceux qui en avaient désespérément besoin".

"Même après la livraison des denrées alimentaires, certains n'ont pas pu contrôler leur avidité et ont pris la nourriture des personnes déplacées et désespérées", déplore-t-il.

Se référant à la Déclaration universelle des droits de l'homme, Mgr Medhin déclare : "Tous les êtres humains ont le droit d'avoir un accès fiable à une quantité suffisante de nourriture".

"Il est très important d'enquêter sur la manière dont de telles quantités de nourriture ont été détournées des nécessiteux", ajoute-t-il. "Il est urgent d'améliorer le système de distribution de nourriture, afin d'accroître la transparence et de renforcer le contrôle."

L'Ordinaire d'Adigrat ajoute : "Ne reprochons pas aux pauvres d'avoir vendu une partie des denrées alimentaires reçues grâce aux dons, alors qu'ils essayaient simplement de couvrir les coûts des médicaments, des livres scolaires et d'autres dépenses nécessaires non couvertes par les dons."

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"Il doit y avoir une autre solution à ce scandale que l'arrêt des livraisons de nourriture aux personnes déplacées et aux autres personnes qui tentent désespérément de se nourrir et de nourrir leurs enfants", déclare l'évêque catholique éthiopien.

Pour aller de l'avant, il suggère de traquer "les responsables du vol et de la corruption, ceux qui ont permis le vol et qui ont détourné le regard pendant de nombreuses années".

Plutôt que de priver de nourriture ceux qui en ont désespérément besoin, Mgr Medhin invite les décideurs à "barrer la route à ceux qui font la guerre et détruisent les récoltes, ainsi qu'à ceux qui empêchent l'aide d'atteindre les personnes affamées".

Le 19 juin, les responsables du Partenariat conjoint pour la résilience (PCR), dont font partie des représentants de la Conférence des évêques catholiques d'Éthiopie (CECE), ont exprimé leur inquiétude quant à la suspension de l'aide alimentaire à ce pays de la Corne de l'Afrique et ont qualifié cette décision de "moralement et éthiquement" inacceptable.

Dans leur déclaration datée du 20 juin, les leaders chrétiens d'Éthiopie, qui comprennent également des représentants de l'Église évangélique éthiopienne Mekane Yesus (EECMY), ont demandé "une enquête opportune et appropriée sur les allégations qui ont conduit à la suspension de l'aide humanitaire au pays".