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ANALYSE : Comment interpréter le choix des nouveaux cardinaux par le pape François ?

Mgr Claudio Gugerotti avec le Pape François | Vatican Media Mgr Claudio Gugerotti avec le Pape François | Vatican Media

Avec son neuvième consistoire en dix ans de pontificat, le pape François va asseoir son influence sur le collège des cardinaux pour le prochain conclave, étant donné que l'écrasante majorité des cardinaux auront été créés par lui.

Au 2 juin, 121 cardinaux étaient susceptibles de participer au conclave. Neuf ont été créés par Jean-Paul II, 31 par Benoît XVI et 81 par François. Avec les 18 nouveaux cardinaux électeurs, 99 cardinaux créés par le pape François peuvent participer au conclave pour choisir le prochain pape.

D'ici à la fin de l'année, sept autres cardinaux atteindront 80 ans et perdront la possibilité de participer au conclave. Il s'agit de : Giuseppe Versaldi, Angelo Comastri, Patrick D'Rozario, Leonardo Sandri, Andrew Yeom Soo-Jung, Jean Zerbo et Juan Luis Cipriani Thorne. Parmi eux, seuls Andrew Yeom Soo-Jung et Jean Zerbo avaient été créés par le pape François.

Douze autres cardinaux auront 80 ans en 2024.

Le consistoire se tiendra le 30 septembre. Le 1er octobre, il y aura 136 cardinaux électeurs et 107 non-électeurs pour 243 cardinaux. Avec ce consistoire, le pape François "blinde" depuis plusieurs années le collège des cardinaux avec des bonnets rouges nommés par lui.

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Comme ce fut le cas lors des consistoires précédents, les sièges cardinalices typiques sont absents des nominations.

Mgr Carlos Castillo Mattasoglio, archevêque de Lima, Pérou. ACI Prensa

Par exemple, le nouvel archevêque de Bruxelles-Malines, Luc Terlinden, est absent, alors que le nouvel archevêque de Madrid, Cabo Cano, est présent. Il n'y a pas non plus de diocèses cruciaux, comme Milan et Paris, ce qui correspond à la tendance du pape à ne pas choisir des diocèses traditionnellement cardinaux, en particulier en Europe. Mais l'archevêque Carlos Castillo Mattasoglio, qui dirige l'archidiocèse de Lima au Pérou depuis 2019, ne figure pas non plus sur la liste des nouveaux cardinaux.

La liste semble donc vouloir montrer un équilibre des positions ou, en tout cas, éviter trop de controverses. S'il y a un thème central à ces nouveaux cardinaux, c'est bien celui de la formation des prêtres et de la nouvelle évangélisation. Moins de gardiens de la foi et plus de bergers, tel semble être le principe directeur de la sélection du pape François.

Caractéristiques principales
Que faut-il chercher dans la liste des nouveaux cardinaux ? Tout d'abord, l'ordre de proclamation. Comme lors du consistoire du pape François en 2014, le préfet du dicastère pour la doctrine de la foi est le troisième de la liste. À l'époque, il était précédé par le secrétaire d'État du Vatican, premier sur la liste, et par le secrétaire général du synode.

Plus en Afrique

Cette fois, il est précédé dans la liste par Mgr Robert Francis Prevost, préfet du Dicastère pour les évêques, et Mgr Claudio Gugerotti, préfet du Dicastère pour les Églises orientales. Il s'agit là de signaux essentiels : Après la nomination du nouveau recteur du Grand Séminaire romain, avec un accent particulier sur la formation du clergé, le pape François accorde une importance cruciale à la sélection des nouveaux évêques. C'est un signe de la façon dont il veut accélérer sa réforme pour changer la mentalité du collège sacré, en mettant l'accent sur les bons bergers plutôt que sur les nominations institutionnelles.

La nomination de M. Gugerotti au poste de cardinal était prévisible en raison de sa position au sein de la Curie. Cependant, elle revêt également une signification symbolique. Gugerotti a été nonce en Ukraine et en Biélorussie, où il a également servi d'envoyé du pape dans la situation problématique qui a conduit à l'exil de facto de l'archevêque de Minsk de l'époque, Tadeusz Kondrusiewicz, en 2021. Et surtout, il connaît bien le monde russe. Il est un pont, et un pont crucial, dans une situation difficile.

Les numéros 4 et 5 de la liste sont deux nonces apostoliques : Mgr Emil Paul Tscherrig, nonce en Italie, et Mgr Christophe Pierre, nonce aux États-Unis. Tous deux ont plus de 75 ans, mais cela ne signifie pas que la retraite est automatique car un nonce reste aussi longtemps que le pape le souhaite. Avec ces choix, le pape semble accorder de l'attention au monde diplomatique, mais il convient également de noter le rôle important que ces hommes sont susceptibles de jouer dans le choix de nouveaux évêques pour leur pays. En effet, les épiscopats des États-Unis et de l'Italie ont été profondément remodelés par les nominations du pape François et de ses nonces, qui sont les premiers habilités à sélectionner et proposer des candidats.

Le pape François salue le patriarche latin Pierbattista Pizzaballa de Jérusalem. Vatican Media.

Comme toujours, le pape François a également procédé à des nominations inattendues. Parmi les nouveaux bonnets rouges figure le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa. De mémoire, c'est la première fois dans l'histoire qu'un patriarche latin est créé cardinal. Il y a aussi l'archevêque de Bogota, Luis Josè Rueda Patricio, le nouvel archevêque de Madrid, José Cobo Cano, et l'évêque de Hong Kong, Stephen Chow Sau-Yan, même si Hong Kong, à de rares exceptions près, a toujours eu un cardinal à sa tête. Le chapeau rouge de M. Chow semble indiquer, entre autres, la volonté du Saint-Siège de poursuivre le dialogue avec la Chine tout en maintenant une position ferme sur certaines questions.

Il ne faut pas oublier que M. Chow a visité l'archidiocèse de Pékin en avril à l'invitation de l'archevêque Li Shan, un fait significatif qui témoigne d'un dialogue en cours. Mgr Chow a invité l'archevêque Li Shan à lui rendre sa visite, poursuivant ainsi ce chemin d'"union" au sein de l'épiscopat chinois.

Représentativité
Mais le pape François utilise aussi le critère de la représentativité : De l'Afrique du Sud, il tire l'archevêque du Cap, Stephen Brislin, comme cardinal, et de la Malaisie, l'évêque de Penang, Sebastian Francis.

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L'archevêque Protase Rugambwa apporte un deuxième représentant de la Tanzanie au Collège des cardinaux après l'archevêque de Dar Es Salaam Polycarp Pengo, également créé par le pape François. Depuis avril, l'ancien secrétaire de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples a été nommé archevêque coadjuteur de Tabora. Mgr Paul Runaganza Kizoka est actuellement à la tête de Tabora, et Mgr Rugambwa lui avait déjà succédé en 2008 lorsqu'il avait pris la tête de l'évêché de Kigoma.

Regardons les chiffres :

À partir du consistoire du 30 septembre, l'Europe passe de 105 cardinaux aujourd'hui à 115.

L'Amérique du Nord passe de 26 à 27.

L'Amérique du Sud passe de 24 à 29.

L'Asie passe de 30 à 32.

L'Afrique passe enfin de 24 à 27 cardinaux.

L'Italie restera la nation la plus représentée, avec 52 cardinaux, dont 17 seulement sont électeurs ; l'Espagne en aura 15, dont neuf de moins de 80 ans ; la France huit, dont six électeurs ; le Portugal six, dont quatre électeurs ; la Pologne cinq, dont quatre électeurs ; la Suisse deux, tous deux électeurs ; les États-Unis 17, dont 11 électeurs ; l'Argentine sept, dont quatre électeurs ; la Colombie quatre, dont un électeur ; le Venezuela deux, dont un électeur ; la Chine trois, dont un électeur ; la Malaisie un, un électeur ; la Tanzanie deux, les deux électeurs, et l'Afrique du Sud deux, dont un électeur ; le Soudan du Sud un, un électeur.

Les cardinaux de remédiation
La nomination quelque peu inattendue de l'archevêque de Cordoue, Ángel Sixto Rossi, au poste de cardinal donne également de la dignité à un diocèse dans lequel le pape a passé la période qui a suivi son rôle de provincial des Jésuites dans les années 1980 - un exil, selon plusieurs biographes. Et c'est peut-être la nomination du cardinal qui cherche à offrir une certaine réparation avec le passé, comme il y en a eu dans tous les consistoires du pape François auparavant.

Comme l'ancien nonce en Belgique, Karl-Josef Rauber, qui était celui qui ne voulait pas qu'André-Joseph Léonard soit nommé archevêque de Bruxelles (et de fait, le pape François ne l'a pas créé cardinal mais a donné la barrette à son successeur, Jozef de Kesel), ou le bonnet rouge montré à Mgr Michael Fitzgerald, que Benoît XVI avait envoyé comme nonce en Égypte alors que sa promotion à la tête d'un dicastère semblait naturelle parce que le pape ne partageait pas sa vision du dialogue avec les autres confessions. Ou encore la création du cardinal Enrico Feroci, que le cardinal Camillo Ruini n'avait jamais voulu promouvoir comme évêque.

Formation sacerdotale, nouvelle évangélisation
La nomination de l'évêque d'Ajaccio François-Xavier Bustillo n'est pas frappante. Le pape François a fait don de son livre "Témoins, pas fonctionnaires : Le prêtre dans le changement d'époque" à la fin de la messe chrismale du jeudi saint 2022.

En nommant l'archevêque de Juba, Stephen Ameyu Martin Mulla, le pape François confirme sa volonté de donner la dignité de cardinal aux évêques qui se trouvent dans des zones de guerre difficiles.

Mazur/cbcew.org.uk.

De l'Europe de l'Est, arrive enfin un cardinal polonais, le premier du pontificat de François : Grzegorz Ryś, archevêque de Łódź. Auxiliaire à Cracovie, il est généralement considéré comme progressiste, mais surtout comme un prédicateur hors pair, particulièrement intéressé par les thèmes de la nouvelle évangélisation et de l'œcuménisme. Il est en phase avec les thèmes du pontificat du pape François, mais pas progressiste au sens où beaucoup l'entendent. Les rumeurs disent qu'il est proche de devenir archevêque de Cracovie lorsque l'archevêque Marek Jędraszewski prendra sa retraite dans deux ans.

La barrette rouge remise à l'évêque auxiliaire de Lisbonne, Américo Manuel Alves Aguiar, n'est pas seulement une reconnaissance pour les prochaines Journées Mondiales de la Jeunesse à Lisbonne, dont il est l'organisateur, mais aussi un signal d'orientation que le pape veut donner au clergé du Portugal et une appréciation des initiatives d'Aguiar, avec qui il y a une bonne harmonie. Entre autres, Aguiar organise un événement surprise parmi les jeunes Russes et Ukrainiens que le pape ne peut manquer d'apprécier après les signaux qu'il a donnés dans la Via Crucis au Colisée en 2022, lorsque deux femmes, une Russe et une Ukrainienne, ont porté la croix, et à nouveau en 2023, lorsque le texte de l'une des stations comportait des témoignages de personnes des deux pays.

Il a encore frappé un grand coup en attribuant le chapeau rouge au père Ángel Fernández Artime, recteur majeur des Salésiens. Cela semble être un signal qu'il veut mettre l'accent sur le charisme salésien de formation et de catéchèse des jeunes.

Les cardinaux non éligibles
Enfin, il y a les cardinaux non électeurs. Le pape François donne le chapeau rouge à l'archevêque Agostino Marchetto, nonce apostolique, qui s'est distingué par un travail historique détaillé sur le concile Vatican II. Mgr Marchetto soutient l'herméneutique de la continuité dans l'interprétation de ce qu'il appelle "le Grand Concile". Le pape François l'a défini en 2013 comme le "meilleur interprète" du concile. Lui donner le bonnet rouge, c'est aussi vouloir souligner indirectement que tout le travail du pape se veut en continuité avec le concile. Mais c'est peut-être aussi une réponse à ceux qui voient une rupture fondamentale dans les choix du pape François.

Le pape choisit ensuite Diego Rafael Padron Sanchez, archevêque émérite de Cumanà, au Venezuela, qui avait pris sa retraite en 2018. Mais, surtout, il fait un cardinal confesseur : Le père Luis Pascual Dri, confesseur au sanctuaire de Notre-Dame de Pompéi, à Buenos Aires. Ce dernier a été posé plusieurs fois en exemple par le pape François : il a 96 ans, a pratiquement vécu dans le confessionnal depuis sa retraite en 2007, et c'est le capucin que le pape a mentionné à de nombreuses reprises. Il a dit que Dri a toujours eu le scrupule d'avoir "trop pardonné".

La miséricorde est un thème central de ce consistoire : Après la lettre au nouveau préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi, l'archevêque Víctor Manuel Fernández Fernandez, dans laquelle il soulignait que "toute conception théologique qui met en doute la toute-puissance de Dieu et surtout sa miséricorde" est inadéquate, voilà que le pape remet la barrette rouge à un capucin qui a concrétisé cette expression.

En fin de compte, ce consistoire fera davantage partie de l'héritage du pape François que n'importe lequel des neuf autres consistoires que le pape a tenus au cours de son pontificat.