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RDC : Une entité catholique pour la paix alerte sur une crise imminente des réfugiés

Tous les pays voisins de la République démocratique du Congo (RDC) devraient s’inquiéter de l’escalade des combats dans ce pays d'Afrique centrale et de l’imminence d’une grave crise des réfugiés, a déclaré une chercheuse de l’Institut Denis Hurley pour la paix (DHPI) de la Conférence des évêques catholiques d’Afrique australe (SACBC).

Dans une interview accordée à ACI Afrique le lundi 17 mars, la responsable de la programmation du DHPI, Reabetswe Tloubatla, a exprimé ses craintes face aux avancées du Mouvement du 23 mars (M23) en RDC, ayant déjà réalisé des gains significatifs dans l’est du pays, riche en minerais. Selon elle, la nation court un risque de « désintégration totale ».

Elle a averti qu’en conséquence, un afflux massif de réfugiés vers d’autres pays africains exercerait une forte pression sur les nations d’accueil.

Mme Tloubatla a déclaré à ACI Afrique qu’il est dans l’intérêt des autres pays africains de veiller à ce que la guerre en RDC prenne fin et que le pays retrouve la stabilité.

« La RDC est l’un des plus grands producteurs de réfugiés en Afrique. Si la situation actuelle dégénère, de nombreuses personnes devront fuir et se réfugier dans les pays voisins », a-t-elle souligné.

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Elle a ajouté : « Si cette guerre ne prend pas fin, elle pèsera lourdement sur les pays voisins de la RDC. »

Un rapport de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a déjà identifié la RDC comme le deuxième pays d’origine des réfugiés en Afrique, après le Soudan du Sud. Selon ce rapport, en 2020, plus de 900 000 réfugiés congolais vivaient dans d’autres pays.

Depuis la prise de Goma, capitale de la province orientale de la RDC, par les rebelles du M23 le 27 janvier, des milliers de personnes fuient les affrontements armés. Le 16 février, la capture de Bukavu, deuxième plus grande ville de l’est de la RDC, a encore aggravé la situation.

Avec la décision annoncée par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) de retirer ses troupes des zones de guerre en RDC, Mme Tloubatla estime que beaucoup d'autres personnes chercheront refuge au-delà des frontières.

Au fil des décennies d’instabilité en RDC, des centaines de milliers de réfugiés ont trouvé asile en Ouganda, en Afrique du Sud, au Burundi, en Tanzanie, en Zambie et en Angola. Début 2024, environ 487 000 Congolais auraient déjà cherché refuge en Ouganda.

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Dans l’interview du 17 mars avec ACI Afrique, la responsable du DHPI a exprimé son inquiétude quant à l’inaction de la communauté régionale et internationale face à la crise congolaise.

Elle a toutefois précisé que « les mains sont liées » pour de nombreux pays qui voudraient intervenir. Certains, selon elle, sont épuisés et ne savent plus comment venir en aide à ce pays en crise.

« Il y a une certaine lassitude parmi les nations préoccupées par la guerre en RDC, car ce conflit dure depuis 30 ans. Pendant tout ce temps, de nombreux sommets ont été organisés, de multiples tentatives de dialogue ont eu lieu, mais rien ne semble apporter une solution durable », a-t-elle déclaré.

Elle a insisté : « La communauté internationale est fatiguée par cette situation interminable. Pourraient-ils en faire plus ? Oui. Mais à ce stade, personne ne sait exactement quoi faire. »

« Tout le monde a les mains liées », a ajouté la chercheuse en paix, soulignant que « le pays lui-même ne semble pas vouloir être uni ».

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Par ailleurs, Mme Tloubatla a exprimé la crainte que le conflit en RDC ne se transforme en une « guerre des Grands Lacs » si rien n’est fait pour l’arrêter.

« Nous craignons que la situation actuelle ne débouche sur une guerre régionale dans les Grands Lacs », a-t-elle affirmé, rejoignant les inquiétudes de Caritas Internationalis (CI), qui alertait début mars sur le risque d’un conflit s’étendant à toute la nation et même à la région en l’absence d’une intervention immédiate.

« Si la RDC ne trouve pas de stabilité durable, nous pourrions nous retrouver face à une guerre des Grands Lacs, car nous avons une RDC instable, un Rwanda qui alimente en permanence le chaos en RDC, et un Ouganda qui, de manière plus discrète, soutient le Rwanda », a-t-elle expliqué, évoquant les inquiétudes croissantes concernant l’influence ougandaise en RDC.

Elle a ajouté : « Le seul qui a ouvertement affiché son soutien à l’invasion de la RDC par le Rwanda est le fils du président Yoweri Museveni. »

Mme Tloubatla entrevoit une situation où « deux forces extérieures (l’Ouganda et le Rwanda) s’uniraient dans une guerre civile ».

Si rien n’est fait, elle craint que le conflit en RDC ne dégénère en « groupes armés sporadiques » et que la nation soit « déchirée par une guerre civile ».

Le DHPI entretient depuis plusieurs années un partenariat avec Caritas Goma en RDC.

L’entité catholique pour la paix de la SACBC suit de près le conflit en RDC depuis des années, a indiqué Mme Tloubatla, précisant : « Lorsque les combats ont repris en janvier, nous avons réagi, car c’est un domaine qui nous concerne. »

« Nous suivons de près l’évolution de la situation dans la région, les éventuels enjeux liés aux minerais en RDC, ainsi que les intérêts en jeu dans cette guerre, qu’ils soient purement politiques ou qu’un autre facteur soit dissimulé derrière ce conflit », a-t-elle confié à ACI Afrique.

Elle a également déclaré que le DHPI tente de comprendre si les causes de l’instabilité en RDC sont rationnelles. « Nous nous demandons si certains n’utilisent pas la politique, la religion ou d’autres prétextes pour dissimuler des enjeux plus profonds. »

Mme Tloubatla s’est dite perplexe face au rôle du Rwanda dans la crise :

« D’un côté, le Rwanda fait partie des efforts de maintien de la paix en RDC, peut-être pour que ses soldats soient rémunérés, et de l’autre, il arme les rebelles », a-t-elle affirmé.

Elle estime que le Rwanda cherche à jouer sur les deux tableaux dans le conflit congolais, notamment parce qu’il considère qu’une partie de sa population vit dans l’est de la RDC.

De plus, l’est de la RDC possède l’un des plus grands gisements de coltan au monde, un minerai essentiel à l’industrie technologique. « Il serait avantageux pour le Rwanda de continuer à armer le M23 afin de maintenir une instabilité qui lui permet d’accéder à ces ressources à moindre coût », a-t-elle expliqué.

Elle a lancé un appel aux parties impliquées dans le conflit congolais pour qu’elles déposent les armes :

« Au DHPI, nous appelons à une réflexion rationnelle. Nous exhortons les dirigeants à prendre des décisions dans l’intérêt des populations qu’ils servent, et non en fonction de leurs intérêts étroits. »

« Que ceux qui se battent fassent l’expérience d’une conversion et placent Dieu au centre de leurs actions », a plaidé la responsable de la SACBC.

Elle a conclu en rappelant la prière de saint Patrick, dont la fête était célébrée le 17 mars : « Christ devant moi, Christ derrière moi. »

« En voyant le Christ dans l’autre, que ceux qui combattent abandonnent leur colère et leur agressivité afin que tous puissent vivre en paix », a-t-elle imploré.

Agnes Aineah