Makurdi, 16 avril, 2025 / 10:39 (ACI Africa).
« Son combat est notre combat », déclarent les catholiques du diocèse de Makurdi au Nigeria, exprimant leur solidarité avec leur pasteur, Mgr Wilfred Chikpa Anagbe, menacé d’arrestation pour avoir alerté le monde sur l’insécurité qui pèse sur les chrétiens au Nigeria.
Le cri du Conseil des laïcs du diocèse catholique de Makurdi fait écho à celui d'autres groupes à travers le pays d’Afrique de l’Ouest, qui exigent la sécurité de l’évêque courageux ainsi que la protection des chrétiens contre les éleveurs peuls tueurs.
Outre le Conseil des laïcs de Makurdi, les Chevaliers de Colomb et les juristes catholiques du pays ont affirmé qu’ils ne resteront pas les bras croisés pendant que Mgr Anagbe, ainsi que le Père Remigius Ihyula, prêtre du diocèse, sont « intimidés ».
Leurs diverses déclarations interviennent après que l’Association des prêtres diocésains catholiques du Nigeria (NCDPA) a exprimé sa « profonde inquiétude » pour la sécurité des deux hommes, engagés depuis des années dans des actions humanitaires en faveur des déplacés à Makurdi.
Dans un communiqué daté du 11 avril, le Conseil des laïcs du diocèse catholique de Makurdi affirme que les paroles de Mgr Anagbe amplifient le cri de tout l’épiscopat nigérian.
« Nous, les laïcs du diocèse de Makurdi, formons un mur inébranlable aux côtés de notre évêque. Ses paroles sont les nôtres. Son combat est le nôtre », déclarent les membres du Conseil.
Ils ajoutent : « Depuis trop longtemps, notre peuple endure la terreur des tueurs peuls et des bandits pendant que le gouvernement les encourage par son inaction. »
« Nous ne céderons pas. Nous ne nous tairons pas », affirment les dirigeants laïcs, avant de poursuivre : « Nous exigeons que ces envahisseurs soient chassés de notre terre. »
Ils précisent que leur lutte « n’est pas une vendetta personnelle » mais « un combat pour la survie et la liberté de notre peuple ».
Les membres du Conseil accusent le gouvernement nigérian de collusion avec les militants afin que les attaques contre les chrétiens, notamment les agriculteurs de l’État de Benue (où se trouve Makurdi), se poursuivent sans relâche.
« Nous voulons savoir quel pacte le gouvernement a signé avec les éleveurs peuls meurtriers, leur donnant l’impunité de posséder des armes, de tuer, de piller et d’occuper nos terres », déclarent les responsables du Conseil des laïcs.
Les difficultés de Mgr Anagbe ont commencé le 12 mars, lorsqu’il a lancé un appel passionné aux États-Unis pour qu’ils réinscrivent le Nigeria sur la liste des pays particulièrement préoccupants (CPC), en raison de l’augmentation des attaques islamistes contre les chrétiens.
Devant la Sous-commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants des États-Unis pour l’Afrique, l’évêque nigérian a témoigné des atrocités commises contre les chrétiens au Nigeria, notamment dans la région du Middle Belt et dans l’État de Benue.
Cet évêque courageux, soupçonné d’être actuellement à l’étranger, a également décrit la persécution des chrétiens dans les régions du Nord et du Centre du Nigeria, où il a dénoncé une volonté manifeste de « réduire, voire éliminer l’identité chrétienne » du pays le plus peuplé d’Afrique.
Le 28 mars, le Père Remigius aurait reçu des informations confidentielles d’une ambassade à Abuja, la capitale, signalant qu’un mandat d’arrêt pourrait viser l’évêque à son retour au pays.
Entretemps, le député américain Christopher Henry Smith (Chris Smith), représentant le 4e district du New Jersey, a dénoncé ce qu’il qualifie « d’actes d’intimidation » contre l’évêque nigérian.
Dans un communiqué de presse daté du 10 avril, le député s’est exprimé sur des informations émanant de « sources crédibles » faisant état de projets du gouvernement nigérian et d’« organisations affiliées » visant à arrêter Mgr Anagbe à son retour de l’étranger, pour avoir témoigné des violences contre les chrétiens dans son diocèse.
Chris Smith a aussi fait part de sa préoccupation face à des menaces similaires pesant sur le Père Remigius.
Il a déclaré : « Des sources crédibles indiquent aujourd’hui que Mgr Anagbe pourrait être détenu à son retour au Nigeria, et je crains également que certains cherchent à lui faire du mal physiquement. »
Dans leur déclaration du 11 avril, les dirigeants du Conseil des laïcs du diocèse de Makurdi ont affirmé qu’ils ne « resteront pas passifs » pendant que leur pasteur est « pourchassé pour avoir dit la vérité et défendu la justice ».
« Nous dénonçons avec vigueur et condamnons totalement tout plan ou projet d’arrêter, de harceler, d’intimider ou de nuire à Mgr Anagbe, au Père Ihyula ou à tout serviteur de Dieu osant affronter les puissances de l’oppression avec une vérité sans fard », ont-ils déclaré.
Ils exigent également que le gouvernement nigérian garantisse la sécurité et la liberté de Mgr Anagbe dès qu’il remettra les pieds sur le sol nigérian.
Ils ont en outre lancé un appel à la Conférence des évêques catholiques du Nigeria (CBCN), aux responsables religieux de toutes confessions, aux organisations de la société civile et à la communauté internationale « pour qu’ils se dressent en sentinelles » et veillent à ce qu’aucun mal ne soit fait à Mgr Anagbe et au Père Ihyula.
Les dirigeants laïcs catholiques ont mis en garde les autorités nigérianes contre toute tentative de faire taire les voix de la conscience, notant que de tels actes attirent la colère divine, renforcent les méchants et « aggravent les blessures purulentes d’une nation qui saigne ».
« Le silence face à l’oppression renforce l’oppresseur et isole la victime », ont-ils déclaré, ajoutant : « Lorsque des communautés sont attaquées et que les autorités restent passives ou désinvoltes, la confiance dans le système s’effondre. »
« La vraie paix ne vient que lorsque la vérité est dite, les victimes écoutées, les coupables tenus pour responsables, et que l’État de droit est respecté », ont-ils souligné.
Ces sentiments ont été partagés par les membres de l’Association nationale des juristes catholiques (NACL) du diocèse de Makurdi, qui affirment qu’ils poursuivront la justice jusqu’au bout si un mal est fait à Mgr Anagbe.
« L’Association observe et surveille attentivement l’évolution de la situation et n’hésitera pas à utiliser tous les moyens légaux pour s’assurer que l’évêque ne soit ni menacé ni contraint à des compromis. La justice par le Christ », ont déclaré les juristes lors de leur conférence de presse du 11 avril.
Les juristes catholiques ont jugé « regrettable » que l’appel de Mgr Anagbe ait suscité des réactions négatives et un retour de flamme de la part de responsables musulmans du pays, qui ont qualifié le témoignage de l’évêque d’« infondé » et ont exigé qu’il soit puni.
Selon le NACL, les attaques et les appels à l’action contre Mgr Anagbe sont non seulement inquiétants, mais également jugés par l’association comme « inutiles, excessifs et injustifiés ».
« Notre association de Makurdi considère donc ces réactions et attaques contre l’évêque comme inutiles, inconcevables, injustifiées et déplacées, au vu des statistiques et faits disponibles présentés par l’évêque à la communauté internationale », ont-ils indiqué.
Ils ont confirmé les statistiques fournies par Mgr Anagbe, illustrant l’intensité de la persécution des chrétiens au Nigeria.
L’appel passionné de Mgr Anagbe décrivait la persécution des chrétiens, notamment dans les régions nord et centre du Nigeria.
L’évêque nigérian, qui dénonce ce qu’il qualifie de génocide contre les chrétiens, dans un contexte de fermeture de paroisses catholiques et de déplacements massifs dus aux attaques d’éleveurs islamistes peuls, a déclaré devant la Commission des affaires étrangères de la Chambre américaine que la désignation du Nigeria comme CPC obligerait le gouvernement à rendre des comptes sur la situation des chrétiens dans le pays.
Il a également évoqué la situation dans le nord du Nigeria, où les enlèvements de prêtres catholiques se multiplient sans qu’il s’agisse toujours de rançons, ainsi que la fermeture forcée de toutes les écoles, y compris catholiques, dans certaines zones pendant tout le Ramadan.
Les juristes catholiques de Makurdi affirment que les propos de leur évêque « ne sont en aucun cas trompeurs ».
« Il va sans dire que l’évêque est resté une voix forte et un rempart contre le terrorisme islamique au fil des ans. À plusieurs reprises et sur différents forums, il a lancé des appels pour sauver la chrétienté », disent-ils.
Les membres des Chevaliers de Colomb du diocèse de Makurdi ont également exprimé leur soutien indéfectible à Mgr Anagbe face aux menaces dont il est la cible.
Selon eux, le diocèse de Makurdi subit depuis des années le poids d’attaques odieuses, causant des milliers de morts parmi les civils innocents, la destruction de maisons, d’églises, d’écoles, de terres agricoles, et le déplacement de communautés entières.
« Notre évêque, Mgr Wilfred Anagbe, continue de dénoncer ces atrocités, de donner une voix aux sans-voix, et d’appeler à la justice, à la paix, et à la protection de la vie humaine et de la dignité », affirment les juristes, avant de conclure : « Nous saluons son courage, son intégrité et sa sollicitude pastorale, surtout à une époque où le silence est devenu une option plus sûre pour beaucoup. »
En exprimant leur solidarité avec Mgr Anagbe, ils affirment : « Réduire la vérité au silence ne mènera pas à la paix. La justice doit triompher. La vie de notre peuple compte, et le silence de l’Église équivaudrait à de la complicité. Ainsi, nous restons unis à notre évêque et à tous ceux qui œuvrent sans relâche pour la paix, la justice et la sécurité de notre terre. »