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Selon un évêque au Nigeria, le démantèlement d’une unité de police controversée est "un simple premier secours, pas la solution"

La décision de dissoudre la controversée Escouade spéciale contre le vol (SARS) au Nigeria est une intervention de "simple premier secours" et ne répond pas aux défis que rencontrent les citoyens de la nation la plus peuplée d'Afrique, a déclaré un évêque dans un rapport partagé avec ACI Afrique vendredi 16 octobre.

Le rapport fait référence à l'annonce faite le 11 octobre par l'inspecteur général de la police nigériane de dissoudre le SRAS dans tout le pays "avec effet immédiat" après les jours de protestation en ligne sous le titre #EndSARSprotest et les manifestations nationales concernant les allégations d'atrocités commises par des membres de l'unité de police.

"La mise au rebut du SRAS est au mieux une éradication du problème. Ce n'est pas "la solution"", déclare Mgr Emmanuel Badejo, du diocèse d'Oyo au Nigeria, et ajoute : "Vous pouvez considérer qu'il s'agit de "premiers secours" pour gagner du temps afin de vous attaquer sincèrement à un problème beaucoup plus vaste. ”

Selon Mgr Badejo, le gouvernement dirigé par Muhammadu Buhari devrait aller au-delà de la dissolution du SRAS et se pencher sur les institutions, le système de gouvernance ou les structures fédérales qui ont "donné naissance à un tel monstre".

Si l'on ne s'attaque pas à la cause profonde du problème, d'autres monstres Frankenstein apparaîtront", ajoute le prélat nigérian en faisant référence à la décision de dissoudre le SRAS et aux protestations nationales qui ont continué malgré la dissolution de la police.

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En annonçant le démantèlement du SRAS, le porte-parole de la police nigériane, Frank Mba, a déclaré que les membres de l'unité controversée seraient redéployés dans d'autres unités au sein des forces de police, une question qui a été contestée, les manifestants demandant des enquêtes et des actions contre les agents impliqués dans les atrocités. 

Les manifestants de ce pays d'Afrique de l'Ouest ont également protesté contre les nouvelles armes et tactiques spéciales (SWAT) dont les membres sont censés accomplir des tâches auparavant accomplies par le SRAS. 

Dans le rapport partagé avec ACI Afrique, Mgr Badejo reconnaît l'importance des protestations en cours en disant que c'est "bien, d'autant plus que nous semblons avoir un gouvernement peu réactif, qui semble maintenant avoir été forcé (à) se réveiller".

Le prélat nigérian, âgé de 59 ans, exprime cependant ses inquiétudes quant au détournement des manifestations "par des personnes sournoises qui n'ont aucune idée claire de ce que doit être une manifestation et qui s'en moquent vraiment".

L'infiltration des protestations, pense l'évêque, est due au fait que les Nigérians ont "tellement replié leur colère contre tant d'événements dans le pays que beaucoup de gens ne sont pas prêts à raisonner avec qui que ce soit".

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"Tout ce qu'ils veulent, c'est une occasion de se venger. Ce n'est pas bon pour notre nation", déclare l'Ordinaire du diocèse d'Oyo au Nigeria, qui est aussi le président du Comité épiscopal panafricain pour les communications sociales (CEPACS).

Il appelle les manifestants à réévaluer leur comportement et demande instamment au gouvernement de déployer tous les moyens légitimes pour assurer le dialogue. 

Faisant référence au redéploiement des agents du SRAS vers d'autres unités de police, Mgr Badejo suggère "un programme de discernement et de réhabilitation" pour aider à leur réforme. 

"Nous devons trouver ceux qui peuvent encore être aidés et réhabilités", dit-il et ajoute, en référence à la réhabilitation des anciens insurgés, "les officiers du SRAS sont aussi des citoyens nigérians et, dans un certain sens, des produits du plus grand monstre qu'est notre condition".  

Il poursuit : "Ceux qui ont enfreint la loi et qui méritent d'être renvoyés doivent faire face à la musique. Pour certains, cela peut même être aussi grave que de ne plus jamais être autorisé à occuper une fonction publique. Alors, oui, ils peuvent être aidés à reprendre d'autres activités privées".

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L'évêque appelle également les individus et les membres de divers groupes civiques à soutenir le tollé public sur des questions qui ne concernent pas les rémunérations et les avantages.

"Nous n'avons pas d'autre pays que le Nigeria. Que les autorités se rappellent que nous sommes tous leurs frères et sœurs, citoyens d'un même pays et qu'elles se rappellent que le pouvoir du peuple sera toujours plus grand que le peuple au pouvoir", déclare Mgr Badejo dans le rapport partagé avec l'ACI Afrique le 16 octobre.

Magdalene Kahiu