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Un évêque congolais condamne l'avidité pour la terre et les ressources naturelles après le meurtre d'un diplomate

Mgr Sébastien-Joseph Muyengo Mulombe, évêque du diocèse d'Uvira en RDC Photo de courtoisie Mgr Sébastien-Joseph Muyengo Mulombe, évêque du diocèse d'Uvira en RDC
Photo de courtoisie

Un évêque catholique de la République démocratique du Congo (RDC) a attribué la multiplication des attaques dans le pays à l'avidité pour les ressources naturelles et la terre, en particulier par des "groupes étrangers" dans le pays qui, dit-il, tentent de pousser les indigènes hors de leurs foyers.

Dans un rapport à l'AgenziaFides suite à l'assassinat de LucaAttanasio, l'ambassadeur italien auprès de la nation centrafricaine, Mgr Sébastien-Joseph Muyengo Mulombe, évêque du diocèse d'Uvira en RDC, condamne également le meurtre du diplomate qu'il décrivait comme un ami qui "aimait beaucoup le Congo et les Congolais".

"Ce qui s'est passé est terrible", dit Mgr Mulombe en référence à l'assassinat de l'ambassadeur, du policier italien Vittorio Iacovacci et du chauffeur congolais Mustafa Milambo. 

Les trois ont été tués le 22 février lorsque des militants ont attaqué leur convoi à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, dans l'est de la RDC.  

Faisant référence à une série d'attaques qui ont été menées dans différentes parties du pays, l'évêque ajoute : "Derrière toutes ces guerres en Ituri, au Nord et au Sud-Kivu, sur les hauts plateaux d'Uvira, de Fizi et de Mwenga, se cache en réalité la tentative de s'emparer de terres qui ont toujours appartenu à des populations indigènes de la part de groupes étrangers venus d'Ouganda, du Rwanda et du Burundi".

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Les "groupes étrangers" des voisins de la RDC, note Mgr Mulombe, tuent les gens dans les villages pour les forcer à fuir ailleurs et à occuper ensuite leurs terres.

Plus de cent groupes armés, tels que les Forces démocratiques alliées de l'Ouganda et les Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), opéreraient dans larégion orientale de la RDC.

La présence de soldats de la paix étrangers n'a pas dissuadé les groupes de milices de mener des attaques contre des civils innocents.

Les Nations unies estiment qu'il y a actuellement 4,5 millions de personnes déplacées à l'intérieur de la RDC et plus de 800 000 réfugiés de la RDC dans d'autres pays.

Selon le Global Conflict Tracker (GCT), la violence actuelle en RDC trouve son origine dans la crise massive des réfugiés et les retombées du génocide de 1994 au Rwanda. Après que les Hutus aient fui vers l'est de la RDC et formé des groupes armés, des groupes rebelles opportunistes opposés aux Tutsis et autres se sont constitués.

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Le GCT rapporte également que l'énorme richesse du pays en ressources, estimée à 24 billions de dollars de ressources minérales inexploitées, aurait également alimenté la violence, car le commerce des minerais fournit des moyens financiers aux groupes pour opérer et acheter des armes.

Le ministère de l'intérieur de la RDC a imputé le meurtre de l'ambassadeur italien et de ses compagnons à des membres des FDLR, un groupe rebelle hutu rwandais qui sévit dans la région depuis plus d'un quart de siècle, une allégation qui aurait été réfutée par le groupe militant.

Dans son rapport du jeudi 25 février à l'Agenzia Fides, Mgr Mulombe déclare : "Il semble que les attaquants parlaient le Kinyarwanda (une langue utilisée principalement par les Rwandais). Lorsque nous le dénonçons, nous sommes traités de xénophobes, d'extrémistes".

La recherche de ressources naturelles, note Mgr Mulombe, crée une forte instabilité dans le pays.

"Ce sont des ressources convoitées par les pays voisins ainsi que par les multinationales, qui n'ont aucun intérêt à voir ces régions stabilisées. Il y a aussi le spectre de la balkanisation", affirme l'évêque congolais.

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Il explique : "Certaines puissances occidentales, ainsi que des puissances africaines, souhaitent utiliser tous ces conflits pour favoriser le chaos et diviser le pays, un peu comme ce qui s'est passé au moment de l'indépendance avec la sécession de certaines provinces telles que le Katanga, le Kasaï, le Kivu".

Selon l'évêque de 62 ans, à la tête du diocèse d'Uvira depuis décembre 2013, l'assassinat largement condamné du diplomate italien "ne fait que confirmer" les expériences quotidiennes des habitants de cette nation d'Afrique centrale. 

"L'assassinat ... ne fait que confirmer ce que nous disons depuis un certain temps : l'insécurité totale règne ici", dit-il, et ajoute : "S'il est possible de tuer un diplomate de ce rang de cette manière, pensez à ce qui peut arriver aux villageois ordinaires".

Dans le diocèse de Butembo-Beni, le prélat qui a été évêque auxiliaire à Kinshasa, en RDC, explique que des membres du clergé et des religieux ont souvent été enlevés et d'autres tués.

"Il y a aussi des attaques contre les églises et les couvents afin de voler des véhicules, des motos, de la nourriture, de l'argent", dit Mgr Mulombe, ajoutant que la position de l'Eglise dans la souffrance actuelle en RDC a été d'appeler à la réconciliation et à la paix.

Il dit qu'au Sud-Kivu, l'Église catholique profite des occasions importantes du calendrier pastoral pour sensibiliser à l'importance de la paix dans le pays.

"Parfois, nous rencontrons des groupes armés et nous essayons d'ouvrir un canal de dialogue. Nous organisons souvent des collectes de fonds, de vêtements, de médicaments et de moyens de subsistance pour aider les populations déplacées, mais le problème est aussi la pauvreté de nos fidèles. Nous faisons de notre mieux dans la formation des consciences, dans la charité, dans la prière", dit Mgr Mulombe.

Entre-temps, l'évêque congolais a fait le deuil de feu l'ambassadeur italien, le décrivant comme un ami qu'il avait rencontré et dont il était resté proche.

"Il aimait beaucoup le Congo et les Congolais. Il était au Nord-Kivu en mission humanitaire. C'était un homme de paix et de grande amitié. Que son âme repose en paix", dit Mgr Mulombe dans son rapport à l'Agenzia Fides, le service d'information de la Propaganda Fide du Vatican.

Agnes Aineah