En juillet 1294, ses pieux exercices furent soudainement interrompus par une scène sans précédent dans l'histoire ecclésiastique. Trois éminents dignitaires, accompagnés d'une immense multitude de moines et de laïcs, montèrent sur la montagne et annoncèrent que Pietro avait été choisi comme nouveau pape par un vote unanime du Sacré Collège et le supplièrent humblement d'accepter cet honneur.
Deux ans et trois mois s'étaient écoulés depuis la mort de Nicolas IV, le 4 avril 1292, sans qu'il y ait beaucoup de chances que le conclave de Pérouse s'accorde sur un candidat. Sur les douze cardinaux qui composaient le Sacré Collège, six étaient romains, quatre italiens et deux français. L'esprit factieux des Guelfes et des Gibelins, qui était alors épidémique en Italie, divisait le conclave, ainsi que la ville de Rome, en deux partis hostiles, les Orsini et les Colonna, dont aucun ne pouvait mettre l'autre en minorité.
Lors d'une visite personnelle à Pérouse au printemps 1294, Charles II de Naples, qui avait besoin de l'autorité papale pour reconquérir la Sicile, ne fit qu'exaspérer la situation. Des propos hostiles sont échangés entre le monarque angevin et le cardinal Gaetani, qui est à l'époque le leader intellectuel des Colonna, et plus tard, le pape Boniface VIII, leur ennemi acharné. Lorsque la situation semble désespérée, le cardinal Latino Orsini avertit les pères que Dieu a révélé à un saint ermite que si les cardinaux n'accomplissent pas leur devoir dans les quatre mois, il visitera l'Église en la châtiant sévèrement. Tous savent qu'il s'agit de Pietro di Murrone.
La proposition fut saisie par le conclave épuisé et l'élection fut faite à l'unanimité. Pietro reçut la nouvelle de son élévation avec des larmes, mais après une brève prière, il obéit à ce qui semblait être la voix claire de Dieu, lui ordonnant de sacrifier son penchant personnel sur l'autel du bien-être public. La fuite était impossible, même s'il l'avait envisagée, car à peine la nouvelle de cet événement extraordinaire s'était-elle répandue que des multitudes (au nombre de 200 000) affluaient autour de lui. Son élévation fut particulièrement bien accueillie par les Spirituels, qui y virent la réalisation des prophéties actuelles selon lesquelles le règne de l'Esprit Saint régnant à travers les moines était proche, et ils le proclamèrent le premier Pape légitime depuis le don par Constantin de la richesse et du pouvoir mondain au "premier père riche" (Inferno, Canto XIX).
Le roi Charles de Naples, en apprenant l'élection de son sujet, se hâta avec son fils Charles Martel, roi titulaire de Hongrie, de présenter ses hommages au nouveau pape, mais, en réalité, de prendre le simple vieillard en garde honorable. Si Charles avait su faire preuve de modération dans l'exploitation de sa chance, cette aubaine aurait pu lui apporter des bénéfices incalculables. En l'occurrence, il a tout gâché par sa cupidité excessive.
En réponse à la demande des cardinaux, qui souhaitaient qu'il vienne à Pérouse pour être couronné, Pietro, à l'instigation de Charles, convoqua le Sacré Collège pour le rencontrer à Aquila, une ville frontière du royaume de Naples. Ils viennent à contrecœur, et un par un, Gaetani étant le dernier à apparaître. Assis humblement sur un simple âne, la corde étant tenue par deux monarques, le nouveau pontife se rendit à Aquila et, bien que trois cardinaux seulement fussent arrivés, le roi ordonna qu'il soit couronné, et la cérémonie dut être répétée sous forme traditionnelle quelques jours plus tard, ce qui constitua le seul double couronnement papal.
Le cardinal Latino fut tellement affligé par le cours que prenaient les affaires qu'il tomba malade et mourut peu après le couronnement. Pietro prit le nom de Célestin V. Dans l'un de ses premiers actes de pape, les cardinaux le pressant de passer aux États de l'Église, Célestin, sur ordre du roi, ordonna à toute la Curie de se rendre à Naples.
Il est merveilleux de voir combien de fautes graves le simple vieillard concentra en cinq courts mois. Nous n'en avons pas un registre complet, car ses actes officiels ont été annulés par son successeur. Le 18 septembre, il créa douze nouveaux cardinaux, dont sept étaient français, et les autres, à une exception près, napolitains, ouvrant ainsi la voie à Avignon et au Grand Schisme. Dix jours plus tard, il aigrit les cardinaux en renouvelant la loi rigoureuse de Grégoire X, réglementant le conclave qu'Adrien V avait suspendu.
Il aurait nommé un jeune fils de Charles au siège important de Lyon, mais aucune trace de cette nomination n'apparaît dans Gams ou Eubel. À Monte Cassino, sur le chemin de Naples, il s'efforça d'imposer aux moines la règle de l'ermitage de Célestin, ce qu'ils firent avec humour pendant qu'il était avec eux. À Bénévent, il créa l'évêque de la ville en tant que cardinal, sans respecter aucune des formes traditionnelles. Pendant ce temps, il distribuait les privilèges et les offices d'une main prodigue. Ne refusant personne, il s'est avéré qu'il avait accordé la même place ou le même bénéfice à trois ou quatre prétendants rivaux. Il accorde également des faveurs sans arrière-pensée.
En conséquence, les affaires de la Curie tombent dans un désordre extrême. À son arrivée à Naples, il s'installe dans un seul appartement du Castel Nuovo, et à l'approche de l'Avent, il se fait construire une petite cellule sur le modèle de sa chère cabane des Abruzzes. Mais il était mal à l'aise. Les affaires d'État lui prenaient un temps qu'il aurait dû consacrer aux exercices de piété, et il craignait que son âme ne soit en danger. L'idée de l'abdication semble être venue simultanément au pape et à ses cardinaux mécontents, qu'il consultait rarement.