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Attaque contre un prêtre catholique par des militaires « une violation de la constitution tchadienne » : archevêque

L'attaque récente d'un prêtre catholique exerçant son ministère dans l'archidiocèse de N'Djamena au Tchad par des officiers militaires constitue une violation de la constitution du pays, a déclaré l'Ordinaire du Siège métropolitain tchadien dans un communiqué.

Le 3 novembre, des officiers militaires auraient pris d'assaut la paroisse de St Isidore Bakanja à Walia-Gorée, agressé le curé, le père Simon-Pierre Madou, et confisqué son téléphone portable.

Dans sa déclaration publiée le 6 novembre, Mgr Djitangar Goetbé Edmond a exprimé sa condamnation de ce qu'il a appelé "certaines attitudes et comportements d'irrespect que certains compatriotes adoptent envers la religion d'autrui".

"Le manque de respect des lieux de culte et avec tous les signes de son caractère sacré comme c'est le cas à la Paroisse de Walia-Gorée est une violation flagrante de l'article premier de la Constitution qui déclare le Tchad un État laïc", déclare Mgr Djitangar.

En violant délibérément ce lieu sacré, le chef de l'Église catholique estime que les militaires "se placent au-dessus de la loi et donc dans une position de hors-la-loi."

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"Il est intolérable d'insulter et de porter la main sur un religieux en plein exercice de sa responsabilité, même s'il est étranger, ce qui n'est pas le cas ici", indique l'archevêque dans son message.

Il note que l'acte commis par les soldats "est une forme d'intolérance qui ne devrait avoir aucune place dans une société plurielle comme la nôtre."

"Ceux qui se comportent de la sorte se mettent en guerre contre Dieu car Dieu ne méprise aucune prière faite avec un bon cœur et une conscience droite, quelle que soit la confession religieuse du croyant", affirme Mgr Djitangar.

Dans sa déclaration, l'archevêque tchadien raconte les circonstances de l'attaque : "Dans la matinée du 3 novembre 2021, trois véhicules Toyota avec des militaires à bord ont pénétré de force dans la cour de la paroisse St Isidore Bakanja à Walia-Gorée".

Il poursuit : "Les occupants des véhicules se sont installés dans la Paroisse sans aucun respect pour les populations et le lieu où ils se trouvent. Ceci en l'absence du curé de la paroisse".

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"Lorsque le Curé est arrivé, il s'est présenté aux soldats et leur a demandé de préciser le motif de leur mission. Les trois soldats ont insulté le prêtre et ont uriné à l'intérieur de la paroisse. Ils ont ensuite molesté le prêtre qui essayait de filmer la scène et ont saisi son téléphone portable", raconte l'archevêque.

"Le téléphone n'a été restitué qu'après l'intervention du vicaire général, le père Samuel Mbairabé Tibingar, et du vicaire épiscopal chargé de la pastorale, le père Romain Guelbé", raconte encore l'archevêque, avant d'ajouter : "Les trois prêtres ont appelé les fidèles à rester calmes et ont promis de rapporter fidèlement à l'archevêque ce qu'ils avaient vu et entendu."

Après avoir écouté le rapport des deux vicaires, Mgr Djitangar dit qu'il s'est "personnellement rendu à la paroisse St Isidore Bakanja le jour suivant, le 4 novembre, pour parler avec le curé de la paroisse et recueillir des informations supplémentaires."

Dans sa déclaration du 8 novembre, l'archevêque tchadien rappelle des incidents similaires qui semblent viser l'Église catholique et ses membres.

"Le 6 février 2018, lors de la répression des manifestations, des gaz lacrymogènes ont été délibérément tirés dans la cour de la paroisse St. Mathias Mulumba à Pari Congo, blessant des fidèles à la sortie de la messe du matin. J'ai écrit une lettre de protestation au ministre de la sécurité qui n'a pas pris la peine de me répondre", se souvient Mgr Djitangar.

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Il rappelle également qu'en "mars 2020, des militaires stationnés à l'entrée de la paroisse du Sacré-Cœur de Chagwa ont empêché le prêtre qui allait célébrer l'eucharistie dominicale d'accéder à l'église."

En avril 2020, Mgr Djitangar se souvient que "des soldats ont pris d'assaut la cour de la paroisse du Sacré-Cœur de Chagwa. Lorsque le curé m'a appelé, je lui ai demandé d'aller demander au chef militaire pourquoi ils étaient là et s'ils avaient un ordre de mission... d'autant plus qu'ils revenaient de la répression des manifestations de rue. Ils ont prétendu s'être reposés un peu avant de partir ... Ils sont restés de 11 heures à 13 heures".

Dans ce contexte, l'archevêque de 69 ans qui est à la tête de l'archidiocèse de N'Djamena depuis octobre 2016 invite le peuple de Dieu au Tchad à "prier pour la conversion de ceux qui n'ont aucun respect pour les lieux de culte."

Il encourage en outre les fidèles "à veiller au respect de la sainteté de nos lieux de culte par un comportement correct et digne."

L'Ordinaire du lieu de N'Djamena exhorte également le peuple de Dieu à "rester vigilant et à dénoncer tout comportement et activité suspects qui pourraient porter atteinte au caractère sacré de nos lieux de culte."

Il exhorte tous les prêtres à "prier et demander le pardon du Seigneur pour tous ceux qui offensent l'Église."

L'archevêque demande également à ses collaborateurs de "renforcer la sécurité des Tabernacles dans nos chapelles et nos églises."

Les prêtres catholiques, dit-il encore, "devraient organiser ou renforcer les capacités des services de sécurité des paroisses pour dissuader toute violation de l'espace sacré par des personnes mal intentionnées."

"Les prêtres doivent déterminer et faire respecter les heures d'ouverture et de fermeture des chapelles ou des églises pour les visites des fidèles au Saint-Sacrement", ordonne Mgr Djitangar.

Les prêtres catholiques doivent également "signaler aux autorités compétentes (diocésaines ou administratives) tout comportement douteux, tout manque de respect du statut et de la nature des lieux de culte", ordonne encore l'archevêque tchadien.

Mgr Djitangar exhorte les autorités tchadiennes compétentes "à prendre conscience du caractère hautement sensible de tout ce qui touche au domaine religieux et à respecter ceux qui en sont responsables."

Il demande en outre aux autorités tchadiennes "de prendre les mesures nécessaires pour sécuriser nos lieux de culte et de punir tous ceux qui commettent des actes qui mettent en péril notre coexistence."

Jude Atemanke

Jude Atemanke est un journaliste camerounais passionné par la communication de l'Église catholique. Il est titulaire d'une licence en journalisme et communication de masse de l'Université de Buea au Cameroun. Actuellement, Jude est journaliste pour ACI Afrique.