Advertisement

Île Maurice: La Commission justice et paix s'inquiète du projet de loi visant à réglementer les stations de radio

Les membres de la Commission catholique pour la justice et la paix (CCJP) à Maurice ont exprimé leurs inquiétudes quant à l'adoption du projet de loi sur l'Autorité indépendante de radiodiffusion (IBA), visant à réglementer les stations de radio dans cette nation insulaire de l'océan Indien.

Dans une déclaration publiée mardi 7 décembre, les responsables du CCJP soulignent les préoccupations que leur inspire le projet de loi.

"Les membres de la Commission Justice et Paix du diocèse de Port Louis, dans le contexte actuel du vote sur les amendements à la loi sur l'Autorité indépendante de radiodiffusion (IBA Act) qui a eu lieu la semaine dernière, expriment leurs préoccupations quant au contenu de ces amendements et aux conditions dans lesquelles le vote a eu lieu", disent-ils.

Faisant référence aux enseignements sociaux de l'Église, les responsables de la CCJP notent que "l'un des rôles de la Commission Justice et Paix est d'examiner et d'analyser les situations d'injustice en collaboration avec d'autres organismes et personnes impliquées dans la société."

"Le principe de subsidiarité protège les personnes des abus des corps sociaux supérieurs et encourage ces derniers à aider les individus et les corps intermédiaires à développer leurs fonctions. Ce principe est nécessaire car chaque personne, chaque famille et chaque corps intermédiaire a quelque chose d'original à offrir à la communauté", expliquent-ils.

Advertisement

Le 30 novembre, les membres de l'Assemblée nationale mauricienne ont voté en faveur du projet de loi sur l'IBA après des débats très animés, tant à l'Assemblée nationale que dans les médias, et des protestations publiques devant le Parlement, selon les rapports.

L'IBA est l'agence de régulation de la radiodiffusion et de la télévision dans cette nation insulaire de l'océan Indien. Elle a été créée par la loi IBA de 2000 pour permettre la libéralisation des ondes, ce qui a conduit à l'établissement des premières stations de radio privées dans le pays deux ans plus tard.

Selon le projet de loi, le directeur de l'IBA, l'autorité nationale de régulation des médias audiovisuels, peut demander à un juge d'ordonner aux journalistes de révéler leurs sources ou de "produire tout enregistrement, document ou article nécessaire à l'exercice, par l'Autorité, de ses pouvoirs de régulation". 

La nouvelle loi augmenterait également les sanctions que les tribunaux peuvent imposer aux journalistes, étendrait les pouvoirs de l'IBA et saperait davantage son indépendance déjà limitée.

Les médias qui ne se conforment pas aux règles ou les journalistes qui refusent de révéler leurs sources risquent une peine de cinq ans de prison et une amende de 500 000 roupies (11 260 dollars), soit cinq fois plus que l'amende actuelle. 

Plus en Afrique

Le nouveau projet de loi stipule également que les membres de l'IBA chargés de régler les différends en cas d'appel seraient désormais nommés par le gouvernement et non plus par l'IBA elle-même, comme c'était le cas jusqu'à présent. Les licences de médias coûteraient deux fois plus cher et ne seraient valables qu'un an, au lieu de trois.

Cela signifie que le directeur de l'IBA, qui est nommé par le Premier ministre mauricien, aurait la possibilité de retirer sa licence à un média tous les 12 mois.

Dans leur déclaration du 7 décembre, les responsables de la CCJP à Maurice affirment que la nouvelle loi rendra problématique le fonctionnement des stations de radio dans le pays.

"L'obligation pour un journaliste de divulguer ses sources est contraire au code de déontologie journalistique. De plus, l'utilisation d'un référé pour contraindre le journaliste à divulguer des informations est une double contrainte", déplorent-ils.

Ils ajoutent : "Ces amendements risquent de tuer le journalisme d'investigation, qui permet souvent aux citoyens de prendre connaissance de faits auxquels ils ne pourraient pas avoir accès et d'aiguiser ainsi leur capacité de discernement."

Advertisement

Les responsables de la CCJP à Maurice s'étonnent également que le président de l'Independent Broadcasting Review Panel soit nommé par le Premier ministre et que ses deux assesseurs soient nommés par le ministre de tutelle : "Cela nous fait vraiment douter du caractère indépendant de ce panel. "

Ils regrettent qu'"il n'y ait pas eu de consultation des citoyens de ce pays afin de mieux discerner les amendements qui auraient été absolument nécessaires et qui respecteraient néanmoins le droit à la liberté d'expression."

"Nous notons qu'il existe déjà des organes en place pour limiter tout abus des stations de radio en termes d'attaques indiscriminées et injustes sur l'intégrité de tout citoyen de ce pays : le Complaint Committee et d'autres organes judiciaires déjà en place", ajoutent les responsables de la CCJP à Maurice.

Ils poursuivent : "Cet élément supplémentaire nous amène à nous interroger encore plus sur la rapidité avec laquelle ces amendements ont été présentés et votés, et ce en l'absence de l'opposition et par un vote de groupe au lieu d'un vote individuel comme l'exige la Constitution."

Ils appellent "tous les responsables politiques de notre pays à prendre conscience du caractère essentiel de la subsidiarité, entre autres, qui est indispensable pour consolider toute démocratie et maintenir la participation continue des citoyens aux grandes décisions affectant notre vie commune, laquelle peut être fortement affaiblie par des décisions inadéquates."

Jude Atemanke

Jude Atemanke est un journaliste camerounais passionné par la communication de l'Église catholique. Il est titulaire d'une licence en journalisme et communication de masse de l'Université de Buea au Cameroun. Actuellement, Jude est journaliste pour ACI Afrique.