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Un évêque nigérian exhorte les chefs religieux à "cesser de tromper les politiciens en les soutenant"

Mgr Matthew Hassan Kukah du diocèse de Sokoto au Nigeria. Mgr Matthew Hassan Kukah du diocèse de Sokoto au Nigeria.

L'évêque catholique du diocèse de Sokoto, au Nigeria, a exhorté les chefs religieux du pays d'Afrique de l'Ouest à s'abstenir de soutenir les politiciens et a qualifié de telles actions de "trompeuses".

Dans son message du mercredi 23 février à l'occasion de la célébration du 80e anniversaire du pasteur Enoch Adebayo de l'Église chrétienne rachetée de Dieu au Nigeria, Mgr Matthew Hassan Kukah exhorte les chefs religieux à parler au nom des Nigérians qui sont sans voix.

"Il est important que nous, les chefs religieux, arrêtions de tromper les politiciens et les fonctionnaires en leur offrant l'encens de l'approbation publique, même par le silence", déclare Mgr Kukah.

Il ajoute, en référence au rôle des chefs religieux dans le pays : "Nous devons porter nos lunettes de foi prophétique. Par prophétie, je n'entends pas l'opportunisme criminel et trompeur dont font preuve des hommes douteux qui se cachent sous le parapluie de Jésus pour faire des prophéties fausses et vides."

Mgr Kukah met également en garde les leaders religieux contre le fait d'adopter une position neutre au lieu de dénoncer les maux qui touchent actuellement le pays et explique que les leaders religieux qui adoptent une position neutre symbolisent le fait de "saisir les opportunités politiques dans le but de s'assurer le pouvoir".

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L'Ordinaire du diocèse de Sokoto au Nigeria affirme que le pays est dans la tribulation car les citoyens sont confrontés à de nombreux défis.

"Ce que nous appelons neutralité est en fait un calcul politique opportuniste visant à s'assurer que nous ne perdons pas notre place dans la file d'attente pour les couloirs du pouvoir", dit-il, et il ajoute : "Malheureusement, nous ne vivons pas des temps ordinaires aujourd'hui. Ce sont des temps d'épreuve et de tribulation pour notre pays."

La plupart des chaos dans lesquels le pays ouest-africain a plongé sont le résultat d'une "mauvaise gestion de l'identité", qui donne lieu au népotisme, poursuit Mgr Kukah.

Au lieu de blâmer les victimes des atrocités commises dans le pays, l'évêque nigérian affirme que "l'honnêteté est une vertu qui doit être embrassée car les Nigérians fuient le pays que leurs ancêtres ont travaillé à construire car ils ne le voient plus comme ce dont leurs ancêtres rêvaient vraiment".

Faisant référence aux souffrances des Nigérians, le chef de l'Église catholique déclare que les Nigérians "meurent de faim au milieu de l'abondance, sont assassinés de manière horrible par des bandits locaux et étrangers qui sont déterminés à nous ramener dans la jungle où nous sommes tous censés devenir des serfs dans leur habitat d'analphabétisme".

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L'évêque nigérian affirme que la plupart des citoyens de la nation ouest-africaine aspirent à la paix malgré le fait que leur gouvernement soit "étranger à leurs besoins quotidiens".

"Aujourd'hui, nous savons tous que plus de 90% des Nigérians qui souffrent depuis longtemps veulent vivre dans la paix et la dignité en tant que frères, sœurs, voisins et amis. Même si leur gouvernement est devenu étranger à leurs besoins quotidiens, nos fermiers ordinaires et même les mendiants voudraient qu'on les laisse tranquilles pour mendier et cultiver leur terre", déclare Mgr Kukah, qui s'est prononcé en faveur de la bonne gouvernance malgré les critiques des milieux gouvernementaux.

L'évêque catholique qui est à la tête du diocèse de Sokoto depuis son ordination épiscopale en septembre 2011 met en évidence plusieurs activités auxquelles le peuple de Dieu dans la nation la plus peuplée d'Afrique aimerait s'engager pacifiquement sans avoir à partir avec la peur de l'inconnu.

"Même si nos mères ne peuvent avoir leurs enfants dans aucune structure médicale, est-ce trop pour elles de demander que leurs enfants soient sauvés des ritualistes ?". pose Mgr Kukah dans son message du 23 février.

Il demande également aux Nigérians : "Si leurs représentants du gouvernement, les gardiens de notre richesse commune qui pillent nos ressources et envoient leurs enfants en Europe et en Amérique décident de ne pas leur donner une éducation gratuite, est-ce trop pour eux de demander que leurs enfants se rendent au moins à l'école en toute sécurité ?".

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"Combien est trop et combien est trop petit ? Des gouvernements successifs et insensibles ont créé les conditions dans lesquelles les Nigérians suffoquent aujourd'hui", déplore le chef de l'Église catholique.

La plupart des Nigérians choisissent de quitter le pays non pas parce qu'il est plus sûr, mais parce que les dirigeants de leur pays natal ont créé une situation incertaine pour la population, dit-il.

L'évêque nigérian, qui a été nommé membre du Dicastère du Vatican pour la promotion du développement humain intégral en janvier 2021, note que le manque de leadership est responsable de la désunion qui règne dans ce pays d'Afrique de l'Ouest et que la plupart des Nigérians cherchent de nouvelles identités en raison de leur "frustration".

"Ce à quoi nous assistons par le biais d'une poussée de formes de conscience ethnique, religieuse, culturelle, de classe, sociale, est la manifestation du symptôme de cette frustration", dit Mgr Kukah, et poursuit : "C'est dans ce contexte que nous devons situer les cris stridents de marginalisation, d'oppression, d'injustice, et ainsi de suite."

Dans son message du 23 février, l'évêque de 69 ans affirme que les attaques lancées contre lui par ses "ennemis" sont dues à sa position sur les questions d'État.

"J'ai souvent été accusé par mes ennemis d'être politique", dit-il, et il ajoute en référence à ceux qui l'ont accusé : "Ils disent que je suis un politicien en soutane. En fait, j'aime bien quand ils disent cela parce qu'au moins, cela signifie que je n'ai jamais pris la partie facile de prétendre être neutre."

L'évêque Kukah affirme en outre que la rébellion des citoyens envers l'État montre que le peuple a été déçu par le gouvernement.

"La montée de la rébellion contre l'État est le résultat de l'abandon des citoyens par ses dirigeants", dit-il.

Parlant des dangers de l'échec des institutions publiques, l'évêque catholique dit que de telles situations brisent toujours la règle d'engagement, qu'il appelle "bandit mantra", ou "chacun pour soi et Dieu pour nous tous".

Mgr Kukah affirme que les institutions publiques se dégradent et commencent à perdre leur objectif dès lors que les biens publics ne sont pas distribués de manière égale.

"Lorsque les biens publics ne sont pas partagés de manière égale, certains groupes commencent à développer un sens biaisé du droit tandis que d'autres se tortillent ou se révoltent contre le système, l'institution, la communauté ou même la nation", dit-il.

Il ajoute en référence au partage inéquitable des biens publics : "Cela facilite le déclin des institutions publiques qui deviennent un repaire de voleurs où la gouvernance devient un acte de pure entreprise criminelle, les ressources publiques allant à un cercle restreint basé sur les liens familiaux, les identités religieuses ou de classe."

Réfléchissant sur les prochaines élections générales, Mgr Kukah a mis au défi les Nigérians de présenter un leader politique dans le pays qui non seulement mérite le respect du peuple mais qui commande aussi l'obéissance du peuple.

Il ajoute : "Toute personne aspirant à gouverner le Nigeria doit présenter des preuves qu'elle comprend ce que c'est que de souder des gens disparates, qu'elle a l'imagination nécessaire pour gérer la diversité."

"Nous ne voulons aucune revendication d'intégrité fabriquée, aucune prétention morale sur la lutte contre la corruption ou la promesse d'infrastructures", déclare l'évêque catholique nigérian.

Pour aller de l'avant, Mgr Kukah propose plusieurs mesures qui peuvent être adoptées par les personnes au pouvoir et tout le peuple de Dieu au Nigéria dans un effort pour contrer les défis auxquels le pays est confronté.

Selon Mgr Kukah, le Nigeria a besoin d'une approche intelligente qui implique "une nouvelle pensée, de nouvelles stratégies pour renverser ces institutions qui ne nous servent plus."

Réfléchissant aux prochaines élections, il propose un examen sérieux des candidats à la présidence qui ont le devoir d'expliquer leurs plans sur la manière dont ils comptent sauver le pays de ses problèmes actuels.

"Au cœur de nos élections de l'année prochaine doit se trouver la question de savoir si nous restons un pays ou si nous faisons face à notre pire cauchemar d'éclatement de la nation. Les craintes sont réelles et il serait dommage de prétendre que ce n'est pas une possibilité", dit-il.

Faisant référence aux prochains scrutins, Mgr Kukah déclare : "Nos prochains candidats à la présidence doivent nous dire quelle est leur position dans les domaines de la restructuration de ce pays ou, si le mot semble irritant, nous dire comment nous allons abattre ces murs de tromperie qui ont fracturé notre pays tout entier."

Il exhorte le peuple de Dieu dans le pays le plus peuplé d'Afrique à ne pas se laisser influencer par les noms de ceux qui se disputent les sièges politiques, mais plutôt à regarder une image plus large d'avoir un pays libre et sûr.

"Il y a peut-être un meilleur nom pour eux, mais pour ce qui nous importe, nous voulons un pays où nous sommes vraiment et réellement libres, où nous nous sentons en sécurité et où la gouvernance n'est pas un fief étendu pour quelques personnes sélectionnées qui continuent à abuser du pouvoir", a déclaré Mgr Kukah dans son message du 23 février.

Silas Isenjia