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La CPI se livre à des "jeux politiques avec les victimes d'atrocités" : Leaders chrétiens au Nigeria

Le Procureur de la CPI, Karim Khan. Crédit : CPI Le Procureur de la CPI, Karim Khan. Crédit : CPI

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) se livre à des "jeux politiques avec les victimes d'atrocités" au Nigeria, ont déclaré les représentants des dirigeants chrétiens de ce pays d'Afrique de l'ouest.

Dans une déclaration publiée lundi 9 mai, les chefs religieux, sous les auspices de l'Association chrétienne du Nigeria (CAN), affirment que le procureur de la CPI, Karim Khan, "n'est pas disposé" à écouter les témoignages des victimes de crimes au Nigeria.

"Il semble que ce procureur s'adonne à des jeux politiques et ne souhaite pas s'engager auprès des victimes d'atrocités, et encore moins auprès des chrétiens. Il a manqué de respect aux victimes, et nous sommes obligés de nous exprimer à ce sujet", disent-ils dans la déclaration signée par le président, le secrétaire général et le directeur national (affaires juridiques et publiques) de CAN, le révérend Dr Samson Olasupo Ayokunle, Barr. Joseph, et Mme Comfort Otera Chigbue, respectivement. 

Ils font référence à la récente visite officielle de M. Khan au Nigeria en avril 2022 et au rapport publié par la suite, affirmant qu'il ne s'est entretenu qu'avec des représentants du gouvernement. 

Les responsables de la CAN affirment que la déclaration de M. Khan sur sa visite dans le pays et sa conduite pendant son voyage montrent qu'il se soustrait aux enquêtes sur les crimes commis dans la nation ouest-africaine.

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"Avec tout le respect dû à M. Khan, sa déclaration et sa conduite depuis son entrée en fonction le présentent comme un procureur cherchant à fuir ses responsabilités en matière d'enquête et de poursuite des crimes internationaux au Nigeria", disent-ils. 

Les dirigeants chrétiens, parmi lesquels figurent des représentants de la Conférence des évêques catholiques du Nigeria (CBCN), ajoutent que M. Khan "semble vouloir éviter d'apporter un minimum de satisfaction aux milliers et milliers de victimes de la longue tragédie de meurtre et de mutilation de notre pays, exacerbée par l'indifférence, la négligence et peut-être même la complicité du gouvernement".

Ils disent que la déclaration de M. Khan ne parle de rien de ce que son bureau a fait depuis décembre 2020, lorsque l'ancien procureur a déclaré que les enquêtes préliminaires de la CPI sur le Nigeria répondaient aux critères statutaires pour ouvrir une enquête sur la situation dans le pays. 

L'ancienne procureure de la CPI, Fatou Bensouda, aurait déclaré que les membres des forces de sécurité nigérianes (NSF) et de Boko Haram avaient commis des crimes contre l'humanité.

Mme Bensouda a indiqué que les autorités nigérianes n'avaient pas enquêté sur ces crimes. Elle a ajouté que les conclusions préliminaires répondaient aux exigences statutaires pour l'ouverture d'une enquête sur la situation au Nigeria.

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Dans sa déclaration à l'issue de sa première visite officielle au Nigeria, M. Khan a déclaré que l'enquête sur les crimes nigérians ne peut être réalisée que par la coopération avec le gouvernement et les autres parties prenantes. 

Dans la déclaration du 9 mai, les responsables de la CAN disent avoir "le spectacle de M. Khan se présentant au Nigeria pour tenter de relancer les tentatives ratées de son prédécesseur pour amener le Nigeria à respecter ses obligations complémentaires".

Ils accusent également M. Khan et son prédécesseur d'être de connivence avec le gouvernement du Nigeria pour utiliser le principe de complémentarité afin de refuser de rendre justice aux victimes de violences religieuses et autres dans la nation la plus peuplée d'Afrique.  

À la suite de sa visite dans la nation ouest-africaine, la déclaration de M. Khan "ne nous dit rien sur ce que lui et son Bureau ont fait pour le Nigeria depuis décembre 2020, peut-être parce qu'ils n'ont absolument rien fait", affirment les représentants du CAN. 

Ils posent la question suivante : "Où est la demande d'ouverture d'une enquête auprès de la chambre préliminaire ? Comment se fait-il que M. Khan ait été prêt à faire passer la situation des Philippines et du Venezuela avant celle du Nigéria, en demandant aux juges de la Cour l'autorisation d'ouvrir des enquêtes ?"

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Les dirigeants chrétiens affirment que la déclaration du procureur montre son approche laxiste de la situation du Nigeria.

Ils ajoutent que si la déclaration de M. Khan indique une volonté d'examiner le terrorisme dans la région du Sahel, il ne devrait pas suggérer que la situation régionale soit renvoyée à la Cour par le Conseil de sécurité alors qu'il ignore les problèmes au Nigeria. 

"Il est ironique que M. Khan et son bureau semblent disposer de ressources pour une saisine du Conseil de sécurité sur la situation au Sahel, mais pas pour le Nigeria", déclarent les responsables de la CAN. 

Ils ajoutent : "Nous avons vu que la violence islamiste au Nigeria est effectivement liée à ce qui se passe dans d'autres pays, et qu'il y a un effet boule de neige", disent les représentants des chefs d'église au Nigeria. 

Ils ajoutent que le Procureur "ne peut pas suggérer que le Conseil de sécurité renvoie à la Cour la situation plus large du Sahel alors qu'au Nigéria, lui et son Bureau ignorent le chaos religieux déclenché par les bergers armés Fulani et les bandits islamistes, et minimisent la nature et l'ampleur des persécutions religieuses des chrétiens commises par Boko Haram."

Les dirigeants chrétiens accusent également le procureur de la CPI de manquer de transparence dans ses enquêtes sur les crimes commis au Nigeria.

Ils disent, en référence au rapport du Procureur lors de sa visite au Nigéria : " La déclaration fait de vagues références à un accord formel dont le gouvernement du Nigéria et le Bureau du Procureur discutent. De quoi s'agit-il ? Pourquoi ne font-ils pas preuve d'ouverture et de transparence ?"

Malgré leur "profonde déception" à l'égard du procureur de la CPI, les responsables de la CAN affirment qu'ils restent engagés dans la recherche de la justice et de la réparation pour les chrétiens persécutés et brutalisés au Nigeria. 

"Nous restons disposés à collaborer avec M. Khan et son bureau", indiquent-ils dans leur déclaration du 9 mai.

Magdalene Kahiu