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Le pape François au Canada : Un pèlerinage papal pour la guérison et la réconciliation

Le pape François rencontre le Premier ministre canadien Justin Trudeau au Vatican, le 29 mai 2017. © L'Osservatore Romano. Le pape François rencontre le Premier ministre canadien Justin Trudeau au Vatican, le 29 mai 2017. © L'Osservatore Romano.

Le 37e voyage apostolique du pape François, qui le conduira au Canada du 24 au 30 juillet, est un "pèlerinage pénitentiel" : Le Saint-Père "rencontrera et embrassera les peuples indigènes" et présentera ses excuses pour le rôle de l'Église dans un système coupable de négligence, de souffrance et d'abus mortels.

Ce faisant, le pape pourrait également enclencher un autre processus de guérison et de réconciliation : la normalisation des relations du Saint-Siège avec le gouvernement canadien.

Un moment clé, préparant le sinistre pèlerinage papal au Canada, a eu lieu au Vatican le 29 mai 2017.

Ce jour-là, le Premier ministre canadien Justin Trudeau a adressé une invitation au pape François à visiter le pays, au cours de laquelle il pourrait présenter les excuses de l'Église pour les torts causés aux populations autochtones du milieu du XIXe au XXe siècle.

La Commission Vérité et Réconciliation, qui s'est déroulée de 2008 à 2015, a conclu que des milliers d'enfants sont morts en fréquentant les "pensionnats indiens" et a demandé que des mesures soient prises sur 94 points.

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Parmi ceux-ci, quatre étaient dirigés vers l'Église. Ils ont été publiés dans la section "Excuses et réconciliation de l'Église".

La commission y demande au pape François "de présenter des excuses aux survivants, à leurs familles et à leurs communautés pour le rôle de l'Église catholique romaine dans les abus spirituels, culturels, émotionnels, physiques et sexuels dont ont été victimes les enfants inuits, métis et des Premières nations dans les pensionnats administrés par l'Église catholique".

La commission a élaboré ses suggestions de guérison et de réconciliation en s'appuyant sur de volumineux rapports sur l'héritage du système des pensionnats. L'évaluation de ces rapports, y compris la question des responsabilités dans ce qui a été perpétré dans ces écoles, s'est avérée beaucoup plus complexe que prévu.

Un programme gouvernemental géré par des églises chrétiennes
Le système des "pensionnats indiens" était un réseau de pensionnats créé par le gouvernement fédéral canadien au XIXe siècle. Il était principalement soutenu par des fonds gouvernementaux et supervisé par des fonctionnaires du gouvernement.

Le système a existé de 1833 à 1996, date à laquelle la dernière de ces écoles a été fermée. Les écoles étaient gérées par plusieurs confessions chrétiennes, dont certains diocèses catholiques et communautés religieuses.

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Ces écoles ne se contentaient pas de fournir une éducation aux enfants des Premières nations, des Inuits et des Métis. En réalité, elles servaient à offrir un programme d'assimilation, mené contre une population souvent perçue à tort comme un "obstacle" au "progrès" de la nation.

La Conférence des évêques du Canada a expliqué sur son site Internet que ce système avait un coût humain lourd : " Si de nombreux anciens élèves et membres du personnel scolaire ont parlé de manière positive de leurs expériences dans certaines écoles, beaucoup d'autres parlent aujourd'hui de souvenirs et d'héritages beaucoup plus douloureux, comme l'interdiction des langues et des pratiques culturelles autochtones, ainsi que des cas de violence émotionnelle, physique et même sexuelle. "

L'implication de l'Église catholique
Environ 16 diocèses canadiens sur 70 ont été associés aux pensionnats, en plus d'une quarantaine de communautés religieuses sur une centaine au Canada.

La Conférence des évêques canadiens a reconnu dans un mémoire de novembre 1993 pour la Commission royale sur les peuples autochtones que " les divers types d'abus vécus dans certains pensionnats nous ont amenés à un profond examen de conscience dans l'Église. "

Depuis les années 1990, la Conférence des évêques catholiques du Canada et des ordres tels que les Jésuites ont offert des déclarations d'excuses telles que celle-ci sur le site officiel des évêques.

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La réponse a également inclus la mise en place d'une promesse nationale de 30 millions de dollars faite par les évêques canadiens en septembre 2021.

De même, le Saint-Siège a de plus en plus pris conscience de ce chapitre de l'histoire de l'Église au Canada.

Le pape Jean-Paul II s'y est rendu en 1984 et en 1987. À ces deux occasions, il a rencontré des autochtones, exaltant leur culture et le renouveau que leur a apporté le christianisme.

Benoît XVI a rencontré Phil Fontaine, Grand Chef de l'Assemblée des Premières Nations du Canada, à la fin de l'audience générale du 29 avril 2009.

Il a "rappelé que depuis les premiers jours de sa présence au Canada, l'Église, en particulier à travers son personnel missionnaire, a accompagné de près les peuples autochtones." Faisant référence aux pensionnats, Benoît XVI a exprimé "sa douleur devant l'angoisse causée par la conduite déplorable de certains membres de l'Église, et il a offert sa sympathie et sa solidarité dans la prière."

Un dénonciateur précoce et un avertissement récent
Au début du XXe siècle, Peter Henderson Bryce, fonctionnaire de la santé publique et médecin, a été le premier à dénoncer les conditions insalubres qui régnaient dans les pensionnats du Canada. Il a rassemblé toutes les informations possibles puis, en 1907, a publié ses conclusions - selon lesquelles environ un quart des enfants autochtones placés dans des pensionnats étaient morts de tuberculose.

Bryce a également évoqué la question plus large de la discrimination, en faisant remarquer que les fonds de santé des citoyens moyens d'Ottawa étaient environ trois fois plus élevés que ceux des peuples des Premières nations.

Les politiques gouvernementales, en d'autres termes, avaient causé la mort de nombreux enfants autochtones.

Suite aux tentatives des représentants du gouvernement de le faire taire, Bryce a publié, à ses frais, une petite brochure sur la question, intitulée The Story of a National Crime.

Écrivant sur "le mythe contre les preuves", Mark DeWolf a noté dans un essai de 2018 - publié par le groupe de réflexion sur les politiques publiques FCPP - que "la répression culturelle, les abus de toutes sortes, l'incarcération forcée et même des décès évitables ont eu lieu, et un système qui aurait dû faire beaucoup plus pour éviter ces choses devrait être condamné à juste titre."

Il conclut que le système des pensionnats était mauvais et "une tentative profondément défectueuse d'atteindre deux objectifs principaux : donner aux enfants autochtones une éducation et une formation qui les aideraient à survivre économiquement et socialement dans un monde d'hommes blancs, et éradiquer les aspects de la culture autochtone qui les empêcheraient d'atteindre ces objectifs."

En même temps, soulignant les faibles taux de fréquentation et d'autres aspects du système, DeWolf a mis en garde contre le fait de faire des pensionnats "un bouc émissaire pour 200 ans d'appropriation des terres, d'invasion culturelle, de privation, de marginalisation et de démoralisation".

Sinon, peu de choses seraient faites pour arrêter et inverser les mauvaises politiques et pratiques d'aujourd'hui.

Ce point est pertinent, que l'on soit d'accord ou non avec DeWolf par ailleurs : Un jugement de 2019 de la Cour canadienne des droits de l'homme a établi qu'entre 2006 et 2017, le gouvernement avait retiré entre 40 000 et 80 000 enfants autochtones de leurs familles et les avait privés de services sociaux. En outre, le jugement a condamné le Canada à verser 40 000 dollars à chaque victime pour comportement discriminatoire. Le gouvernement a fait appel de la décision, sans succès.

Pour ajouter à la complexité de la situation, des critiques ont soulevé des questions sur les reportages irresponsables des médias lorsque la découverte de ce qui a d'abord été décrit comme des tombes non marquées sur les terrains de l'ancienne résidence indienne de Kamloops a fait la une des journaux internationaux.

Le 24 juin 2021, il a d'abord été annoncé que 751 tombes non marquées avaient été découvertes sur le site d'une ancienne école. Les dirigeants ont souligné qu'il s'agissait de tombes non marquées et non d'un "site de charnier".

Néanmoins, à la suite de cette nouvelle, certaines églises catholiques du Canada ont été vandalisées ou incendiées.

Un geste qui a des conséquences - et une question ouverte
Le pape François a décidé de présenter des excuses pour le rôle de l'Église catholique et d'assumer sa responsabilité. Il n'a pas commenté la couverture médiatique parfois discutable, et n'a pas cherché à savoir dans quelle mesure l'Église était responsable dans le contexte historique général.

En bref, cette visite est un grand acte de bonne volonté de la part du pape, qui entend guérir et réconcilier.

Cela peut également s'appliquer aux relations entre le Canada et le Saint-Siège, qui sont tendues depuis un certain temps. La question du système des "pensionnats indiens" en est probablement l'une des raisons.

Actuellement, le Canada n'a pas officiellement nommé d'ambassadeur auprès du Saint-Siège. Il y a un chargé d'affaires, Paul Gibbard. Il a pris le poste en 2021, après trois ans de vacance. Le dernier ambassadeur canadien auprès du Saint-Siège était Dennis Savoie, qui a été en poste de 2014 à 2018.

Ce voyage papal pourrait contribuer à normaliser quelque peu les relations, et le poste de Gibbard pourrait être revalorisé en celui d'ambassadeur. Cependant, après la visite, il faudra encore faire toute la lumière sur la réalité et l'ampleur du système des pensionnats - et pas seulement en ce qui concerne le rôle de l'Église.

Andrea Gagliarducci