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Les jésuites d'Afrique "profondément préoccupés par la violence" au Cameroun, veulent un "dialogue inclusif"

Logo de la Conférence des Jésuites d'Afrique et de Madagascar (JCAM), l'organisme qui réunit les Supérieurs majeurs des Jésuites d'Afrique et de Madagascar. - Conférence des Jésuites d'Afrique et de Madagascar (JCAM) Logo de la Conférence des Jésuites d'Afrique et de Madagascar (JCAM), l'organisme qui réunit les Supérieurs majeurs des Jésuites d'Afrique et de Madagascar. - Conférence des Jésuites d'Afrique et de Madagascar (JCAM)

Les membres de la Compagnie de Jésus (Jésuites) en Afrique ont, dans une déclaration, exprimé leurs préoccupations concernant la violence et la perte de vies innocentes dans la nation centrafricaine du Cameroun et ont proposé "un dialogue inclusif impliquant les séparatistes anglophones" comme seule solution appropriée à la crise prolongée.

"Nous, les Supérieurs Jésuites d'Afrique, représentant tous les Jésuites d'Afrique, sommes profondément préoccupés par la violence et la perte de vies humaines dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun", peut-on lire dans une partie de la déclaration de la Conférence des Jésuites d'Afrique et de Madagascar (JCAM), l'organisme qui réunit les Supérieurs Majeurs Jésuites d'Afrique et de Madagascar.

Dans la déclaration datée du 27 février, les Supérieurs jésuites du continent expriment leur solidarité avec les évêques catholiques du Cameroun et du monde entier, les groupes de défense des droits de l'homme et les autres organismes et personnes concernés "en condamnant l'usage continu de la force par le gouvernement camerounais ainsi que la violence perpétrée par les milices qui a entraîné la perte de vies innocentes".

Les préoccupations des dirigeants des jésuites en Afrique et à Madagascar s'expriment dans le contexte de la récente invasion militaire de Ngarbuh, un village du diocèse catholique de Kumbo, qui a fait 24 morts parmi les civils et des centaines de personnes déplacées.

"Le vendredi 14 février 2020, les militaires ont envahi Ngarbuh à 4 heures du matin et on nous dit que vingt-quatre (24) personnes ont été tuées parmi lesquelles des femmes enceintes et des petits enfants", a raconté l'évêque George Nkuo du diocèse de Kumbo au Cameroun dans sa lettre du 18 février.

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La semaine dernière, quatre hauts fonctionnaires des Nations Unies ont publié une déclaration commune dénonçant les violations des droits de l'homme sur les civils, y compris les enfants et les femmes, dans le Cameroun anglophone.

"Les quatre fonctionnaires ont déploré les rapports continus d'attaques contre les civils, y compris les exécutions extrajudiciaires, la torture, les arrestations arbitraires et la destruction de biens, ainsi que les attaques de représailles, les enlèvements, les viols et autres formes de violence sexuelle, qui touchent de manière disproportionnée les femmes et les enfants dans les régions du sud-ouest et du nord-ouest du Cameroun et qui forcent beaucoup de personnes à fuir leurs foyers", peut-on lire en partie dans le communiqué de presse du 21 février publié par le Bureau du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour les enfants et les conflits armés.

L'organe des Nations Unies décrie qu'au Cameroun, "les enfants continuent d'être particulièrement touchés par la crise avec des rapports d'attaques sur les écoles, des fermetures d'écoles étendues dans les régions touchées et des milliers d'enfants non scolarisés".

"Les informations reçues sur le recrutement et l'utilisation d'enfants par des acteurs armés et la détention d'enfants pour leur association réelle ou présumée avec des acteurs armés soulèvent d'autres problèmes de protection", dénoncent les quatre hauts fonctionnaires des Nations unies dans leur déclaration collective.

Pour leur part, les dirigeants des Jésuites d'Afrique basés à Nairobi font également référence à l'attaque du 14 février et la qualifient de "déchirante" et "décourageante" dans leur déclaration collective signée par le président du JCAM, le père Agbonkhianmeghe Orobator, d'origine nigériane.

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"Ce n'est malheureusement qu'une tache de plus dans la litanie des meurtres et des incendies de villages qui se poursuivent sans relâche au Cameroun depuis le début de la récente crise en 2016", déplorent les dirigeants des Jésuites d'Afrique et de Madagascar dans leur déclaration envoyée à ACI Afrique le 28 février.

Pour mettre fin à la crise anglophone, les supérieurs des jésuites en Afrique ont, dans leur déclaration de deux pages, appelé le président du Cameroun, Paul Biya, et son gouvernement "à aller au-delà des mesures répressives et à prendre leurs responsabilités afin de trouver des solutions plus durables à la crise par le biais de pourparlers de médiation".

"Un dialogue inclusif impliquant les séparatistes anglophones est la seule solution durable à la violence qui cause la perte inacceptable de vies innocentes dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun", ont déclaré les dirigeants jésuites d'Afrique et de Madagascar.

Dans leur déclaration collective, les jésuites ont souligné l'initiative de pourparlers de paix menée par la Suisse et soutenue par un groupe d'évêques catholiques du monde entier comme "l'une de ces occasions de dialogue véritable" car elle "cherche à inclure les groupes séparatistes pour une solution durable à la crise".

"Nous exhortons vivement toutes les parties à prendre part à ces pourparlers pour donner une chance à une paix durable", ont déclaré et appelé les dirigeants des jésuites continentaux, "Nous appelons en outre le gouvernement du Cameroun à garantir le respect des droits de l'homme et de la liberté d'expression et de manifestation".

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Nous insistons avec le pape François sur le fait que l'humiliation, le traumatisme et l'injustice subis par les victimes innocentes de la guerre ne peuvent pas s'arrêter lorsque la recherche de la paix est alimentée par la "peur de la destruction mutuelle ou la menace d'un anéantissement total", affirment les membres de la JCAM dans leur déclaration collective.

Toujours en citant le pape François, l'équipe dirigeante des jésuites en Afrique et à Madagascar est d'accord avec le Saint-Père qui a déclaré que "la paix ne peut être réalisée que sur la base d'une éthique mondiale de solidarité et de coopération au service d'un avenir façonné par l'interdépendance et la responsabilité partagée dans toute la famille humaine d'aujourd'hui et de demain".

Les membres de l'institution catholique mondiale de 485 ans en Afrique et à Madagascar saluent également l'initiative de l'Union africaine "Faire taire les armes en Afrique", qui vise à parvenir à un continent sans conflit d'ici 2020 et qualifient cette initiative de "gratifiante".

Les dirigeants de l'Église révèlent que leur organisme collectif "cherche des moyens de collaborer étroitement avec ces efforts de l'UA afin d'accélérer l'action pour la paix et la justice dans toute l'Afrique" par le biais de son Réseau panafricain pour la justice et l'écologie.

Avec 80 % de francophones et 20 % d'anglophones, le Cameroun connaît la violence depuis 2016 après que des juges et des enseignants francophones aient été envoyés dans la région anglophone historiquement marginalisée.