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Un archevêque catholique au Tchad "indigné" par la violente répression des manifestants et appelle au dialogue

Mgr Goetbé Edmond Djitangar, archevêque de l'archidiocèse de N'Djamena au Tchad. Crédit : ACI Afrique Mgr Goetbé Edmond Djitangar, archevêque de l'archidiocèse de N'Djamena au Tchad. Crédit : ACI Afrique

L'archevêque de l'archidiocèse de N'Djamena au Tchad a exprimé sa colère et son indignation à la suite de la répression des manifestants pacifiques du mois dernier, qui aurait fait des dizaines de morts.

Le 20 octobre, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants qui réclamaient une "transition plus rapide vers un régime démocratique" dans plusieurs villes du Tchad, dont N'Djamena, la capitale, tuant au moins 50 personnes et en blessant des dizaines d'autres, selon Reuters.

Dans une lettre adressée au président du Conseil de transition du Tchad, Mahamat Idriss Déby, Mgr Goetbé Edmond Djitangar dit avoir suivi les tristes événements du 20 octobre alors qu'il se trouvait à l'étranger pour des raisons de santé.

"J'ai été choqué par les nouvelles et les images insoutenables que j'ai reçues du pays", déclare Mgr Djitangar dans sa lettre publiée mercredi 2 novembre.

Il s'interroge : "Pourquoi un tel acharnement sur une manifestation pacifique et une telle violence meurtrière sur des civils non armés ?".

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"J'ai été indigné par les réponses données par le Premier ministre justifiant la répression féroce des forces de sécurité, sans un mot de sympathie pour les nombreuses familles endeuillées ou en détresse dans la recherche de leurs membres disparus", indique l'archevêque.

Il poursuit : "Je n'ai toujours pas compris les causes de cette folie meurtrière qui a conduit des citoyens tchadiens à faire subir à d'autres citoyens des traitements inhumains et dégradants, notamment des exécutions sommaires et des déportations dans les prisons du Nord."

"Comment expliquer le fait que les proches soient empêchés de retirer les restes mortels de leurs victimes des répressions et de les enterrer ?". Mgr Djitangar pose, et s'interroge encore : "Pourquoi cette traque continuelle des citoyens dont le crime est d'être dans l'opposition ? Est-ce un crime d'avoir le drapeau tchadien chez soi ?"

L'image du Tchad, estime l'Ordinaire du lieu de N'Djamena, "a été ternie par la barbarie de cette répression, et ceux de nos partenaires habituels qui commençaient à nous témoigner un peu de sympathie pour les inondations se sont retrouvés bloqués dans leur générosité."

En avril 2021, le président Idriss Déby Itno qui était à la tête du pays depuis 1990 est décédé après avoir succombé à des blessures qui auraient été causées par une bataille avec le Front pour le changement et la concorde au Tchad (FACT), un groupe rebelle de l'armée dissidente dans la partie nord du pays.

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Après sa mort, un conseil de transition composé d'officiers militaires et dirigé par le fils de Deby, Mahamat, en tant que président par intérim, a commencé à superviser la période de transition du Tchad pour les 18 mois à venir.

Le 8 octobre, le chef militaire tchadien, Mahamat, a été nommé président de la transition à la suite des délibérations du Dialogue national inclusif (DNI) du pays, rapporte RFI. Il a prêté serment le 10 octobre en tant que président d'une période de transition de deux ans avant la tenue d'élections "démocratiques", une décision qui a déclenché les manifestations du 20 octobre.

Lors d'une conférence de presse organisée à la suite des troubles, le Premier ministre tchadien, Saleh Kebzabo, a déclaré : "Les manifestants avaient des armes à feu et ils sont considérés comme des rebelles. Les forces de sécurité n'ont répondu qu'en cas de légitime défense."

Dans sa lettre du 2 novembre, Mgr Djtangar qualifie les propos du Premier ministre Kebzabo de "maladroits".

"L'explication maladroite donnée par le gouvernement pour justifier le comportement des forces de sécurité n'a convaincu personne", déclare cet évêque catholique de 70 ans qui a commencé son ministère épiscopal en février 1992 en tant qu'Ordinaire du lieu du diocèse de Sarh au Tchad.

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Il ajoute : "Cette conduite s'apparente à la solution finale et confirme la volonté de non-dialogue démocratique déjà visible dans la gestion et la conduite de la DNI."

L'Ordinaire du lieu de l'archidiocèse de N'Djaména qui cumule les fonctions de président de la Conférence épiscopale du Tchad (CET) note que les autorités "n'ont aucune considération pour nous, chefs religieux."

"Nos discours et nos prêches appelant les fidèles à construire la paix et à vivre ensemble sont continuellement contredits par les autorités étatiques dans leur conduite et leur gestion des affaires publiques", affirme Mgr Djitangar.

L'archevêque tchadien qui est à la tête de l'archidiocèse de N'Djaména depuis son installation en octobre 2016 trouve regrettable que l'appel au dialogue exprimé par les leaders confessionnels de ce pays enclavé au carrefour de l'Afrique du Nord et de l'Afrique centrale ait été ignoré.

Il déclare : " Si les autorités de ce pays nous écoutaient et écoutaient davantage la population [...]. Si elles avaient accepté un véritable dialogue pour le bien de notre nation, nous ne serions pas là où nous sommes aujourd'hui avec des morts sur les bras ou sur la conscience."

"Chaque religion tient en haute estime la valeur de la vie humaine et sa préservation. Elle considère toute atteinte à la vie comme criminelle", dit-il encore, ajoutant : "Nous avons le devoir de défendre et de promouvoir le respect de la vie, la dignité de la personne humaine et la justice sociale, quel que soit le régime politique."

Les autorités religieuses ne peuvent pas soutenir un "régime autoritaire qui a porté atteinte à la vie et à la dignité humaine", affirme Mgr Djitangar, qui invite le gouvernement tchadien à "avoir le courage de mettre fin à la chasse à l'homme dont sont victimes certains opposants."

Il appelle ensuite à la "libération des personnes détenues et expulsées suite aux manifestations du 20 octobre."

Il invite également le gouvernement tchadien à "relancer un dialogue direct avec les partis politiques et les associations de la société civile" pour rétablir la paix dans le pays.

Le chef de l'Eglise catholique appelle en outre à "la mise en place d'un gouvernement de technocrates et à procéder à la mise en place des institutions pour l'élaboration de la constitution et la préparation des consultations électorales."

Jude Atemanke

Jude Atemanke est un journaliste camerounais passionné par la communication de l'Église catholique. Il est titulaire d'une licence en journalisme et communication de masse de l'Université de Buea au Cameroun. Actuellement, Jude est journaliste pour ACI Afrique.