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Le pape François comme diplomate : Les principes qui ont guidé son pontificat depuis 10 ans

Dans le cadre de ses efforts diplomatiques publics dans la guerre en Ukraine, le pape François a déclaré à plusieurs reprises qu'il était prêt à se rendre à Kiev, mais seulement si ce voyage pouvait être combiné avec un voyage à Moscou.

Il s'agit là d'une nouvelle démonstration de la préférence marquée du pape pour les questions diplomatiques : Il ne veut pas prendre parti mais plutôt engager la conversation avec tous les interlocuteurs, même si cette volonté de dialogue à tout prix risque d'être mal interprétée.

Tout au long des dix années de son pontificat, le pape François a abandonné la prudence diplomatique traditionnelle du Saint-Siège, optant plutôt pour une approche pragmatique de dialogue direct. Le fondement de cette approche est visible dans sa première exhortation apostolique, Evangelii Gaudium ("La joie de l'Évangile"), qui constitue en quelque sorte la base idéologique du pontificat. Alors qu'il appelle les évangélisateurs chrétiens à s'engager dans une "écoute respectueuse et compatissante", son approche de la diplomatie cherche à ouvrir des processus plutôt qu'à rechercher des solutions définitives.

Toutes les actions diplomatiques de son pontificat suivent ce principe. Cela inclut son premier succès diplomatique, à savoir le rôle que le Saint-Siège a joué dans le rétablissement des relations entre le Saint-Siège et Cuba en 2014. Il en va de même pour l'accord controversé avec la Chine sur la nomination des évêques, signé en 2018 et renouvelé à deux reprises. Et elle s'applique aux "règles d'engagement" de la première rencontre d'un pape avec un patriarche de Moscou, qui s'est déroulée à Cuba en 2016, et, précisément, à la question d'une éventuelle médiation pour parvenir à la paix dans la guerre en Ukraine.

La diplomatie des voyages pontificaux
À ce jour, le pape François a effectué 40 voyages internationaux. La destination de son prochain voyage pontifical est toujours un sujet de spéculation et de curiosité et en dit long sur ses priorités en matière de diplomatie pontificale.

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Cette année en est un bon exemple. Il sera à Budapest du 28 au 30 avril et se rendra très certainement à Lisbonne pour les Journées mondiales de la jeunesse en août. Toutefois, il est déjà question que le pape se rende à Marseille pour participer à la réunion des évêques de la Méditerranée, puis qu'il se rende directement en Mongolie, où aucun pape ne s'est jamais rendu.

Ainsi présenté, le voyage mettrait en évidence deux critères cardinaux du pape François dans le choix des pays à visiter. Le premier : Ne pas aller dans des pays qui sont déjà des leaders sur la scène internationale. Se rendre à Marseille, sans passer par Paris, la capitale de la France, soulignerait que le passage sur le territoire français ne se fera que pour un événement. C'est ce qui s'est passé en 2014 lorsque le pape François a limité sa visite en France à Strasbourg, où il a visité le Conseil de l'Europe et le Parlement européen.

Deuxième critère : privilégier les petites nations, en allant là où Dieu est nécessaire.

La Mongolie est un pays où les catholiques sont peu nombreux et qui n'a jamais reçu la visite d'un pape. Ce n'est donc pas un hasard si le pape François a voulu nommer cardinal Giorgio Marengo, préfet apostolique d'Ulaan Bator, pour marquer une préférence particulière pour ce pays qui, entre autres, est situé à la frontière avec la Chine.

Par ailleurs, le pape François a toujours voulu mettre l'accent sur le dialogue dans ses déplacements. En Europe, il se rend généralement dans des lieux où les catholiques sont minoritaires : Bulgarie, Roumanie et Macédoine du Nord en 2019 ; pays baltes en 2018 (où seule la Lituanie est majoritairement catholique) ; Grèce et Chypre en 2021 ; Suède en 2016 ; Albanie en 2014 ; visite à la réunion du Conseil œcuménique des Églises en 2018.

Plus en Afrique

En Europe ou aux frontières de l'Europe, le pape s'est rendu en Terre sainte, en Turquie, en Arménie, en Géorgie et en Azerbaïdjan. Lorsqu'il s'est rendu dans un pays puissant ou majoritairement catholique, c'est parce qu'un grand événement s'y déroulait. Il s'est ainsi rendu à Cracovie, en Pologne, pour les Journées mondiales de la jeunesse de 2016, aux États-Unis pour la Rencontre mondiale des familles de Philadelphie en 2015, et en Irlande pour la Rencontre mondiale des familles de 2018.

Dans certains cas, le choix de la destination a été fait précisément pour permettre l'ouverture de processus. La visite en Bulgarie, par exemple, a également été l'occasion d'une rencontre avec l'Église orthodoxe bulgare, qui ne participe même pas à la Commission théologique mixte catholique-orthodoxe.

La médiation du Saint-Siège
Cuba a été le théâtre de deux des succès les plus importants du pontificat : la rencontre avec le patriarche Kirill et la réouverture des relations diplomatiques, que le Saint-Siège a facilitée.

Ce succès du Saint-Siège fait suite à 75 ans de relations diplomatiques ininterrompues avec l'île. Dans l'Église, rien n'arrive soudainement, tout est le fruit d'un long travail.

C'est donc à partir des voyages que l'on comprend le travail diplomatique.

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Cuba représente un nouvel élan pour les médiations pontificales, comme au Venezuela, à la demande directe des parties concernées, ou encore au Nicaragua, où la ligne diplomatique semble désormais être de rester en retrait. La décision de ne pas nommer un nouveau nonce après l'expulsion soudaine de l'archevêque Waldemar Sommertag de Managua a été prise pour éviter d'avoir à dialoguer avec le gouvernement de Managua pour l'approbation d'un diplomate tout en maintenant une présence dans le pays.

Dans les relations problématiques du Vatican avec la Chine, l'objectif a été de maintenir les lignes de communication ouvertes. Le pape François a souhaité un accord pour la nomination des évêques, qui a été signé en 2018 et renouvelé deux fois pour deux ans. Jusqu'à présent, seuls six évêques ont été nommés après l'accord, alors que Pékin semble vouloir pousser les religions (et pas seulement le catholicisme) de plus en plus vers ce que l'on appelle la "sinisation".

L'objectif est toutefois de parvenir à un accord, même imparfait, afin de disposer d'une base de négociation.

Guerres dans le monde
Le critère du dialogue à tout prix a été à la base des efforts diplomatiques du pape sur la guerre en Ukraine. Le Saint-Siège suit la situation à Kiev depuis les manifestations de Maïdan en 2014. Le pape François a lancé une collection spéciale, le Pape pour l'Ukraine. Dans le même temps, en 2019, il a souhaité une rencontre interdicastérielle au Vatican avec le synode et les évêques de l'Église gréco-catholique ukrainienne.

Cependant, le pape François a voulu garder les canaux ouverts avec Moscou, à tel point que son premier réflexe, lorsque la guerre a éclaté, a été de se rendre personnellement à l'ambassade de la Fédération de Russie pour tenter de parler avec le président Vladimir Poutine.

Le pape François a souligné à plusieurs reprises que de nombreux territoires sont engagés dans ce qu'il appelle "une guerre mondiale fragmentaire". Sa visite en Irak en 2021, sa mention fréquente du Yémen et de la Syrie, dont le nonce a été nommé cardinal par le pape, sont des exemples de ses efforts dans ces régions troublées.

La diplomatie de la prière
La Syrie est un exemple de la "diplomatie de la prière" du pape François, car c'est en raison de la situation en Syrie que le pape François a proclamé, en septembre 2013, une journée de jeûne et de prière pour la Syrie et le Moyen-Orient. Et une journée de prière pour la paix, proclamée dans les jardins du Vatican en juin 2014, a servi de verrou diplomatique pour créer un point de rencontre. La retraite de prière avec les dirigeants du Soudan Sud en 2019 s'inscrivait dans cette démarche.

Dans la vision du pape François, les religions doivent se rencontrer pour créer le bien commun. Le dialogue interreligieux fait partie de la diplomatie. Le rétablissement des relations avec l'université al-Azhar du Caire, l'un des principaux centres de l'islam sunnite, peut être lu dans cette optique.

Lors de son voyage en Égypte en 2017, le pape a participé à la Conférence internationale pour la paix organisée par cette même institution. Il a réaffirmé qu'il ne pouvait y avoir de violence au nom de Dieu.

Une volonté de dialogue interreligieux a marqué la décision de se rendre aux Émirats arabes unis ainsi que celle de se rendre au Maroc en 2019. À Abou Dhabi, le pape a signé avec le grand imam d'Al Azhar Ahmed al-Tayyib une déclaration sur la fraternité humaine qui a fixé des lignes directrices pour la diplomatie, à tel point que le pape en a remis une copie à tous les chefs d'État qui lui ont rendu visite.

Ces lignes directrices ont été mises en pratique lors du voyage du pape François en Irak, qui a culminé avec la rencontre avec le grand ayatollah al Sistani et avec les autres religions dans la plaine d'Ur (mais sans les représentants juifs, ce qui a peut-être semblé être une prudence diplomatique excessive). Elle s'est également manifestée lors du dernier voyage du pape François dans le Golfe, à Bahreïn, en 2022.

Le thème de la fraternité a ensuite donné lieu à une encyclique, Fratelli Tutti, élaborée pendant la pandémie, qui fait désormais partie des instruments diplomatiques du Saint-Siège et a été présentée le 15 avril 2021 lors d'un événement de haut niveau aux Nations unies.

Le devoir de protection
En résumé, il faut d'abord prouver que l'on est ami pour que la diplomatie soit efficace. C'est la ligne dictée par le cardinal Pietro Parolin en septembre 2014 lorsque, en tant que secrétaire d'État, il a participé à l'Assemblée générale des Nations unies. La clé de ses discours était le "devoir de protection".

Ces dernières années, le Saint-Siège a appliqué ce devoir à la protection de l'environnement (il suffit de penser à l'encyclique Laudato Si et à l'engagement en faveur d'un accord sur le climat), aux minorités persécutées (grâce à l'engagement diplomatique du Saint-Siège, pour la première fois au sein des institutions européennes, on a commencé à parler de la persécution des chrétiens), aux personnes victimes de la traite des êtres humains (peut-être le thème central de l'activité diplomatique du pape François), aux migrants (le pape François a affecté un bureau entier de la Curie romaine, sous sa dépendance directe, à la situation d'urgence des migrants).

Tout l'effort diplomatique du Saint-Siège en 2018 a ensuite été consacré à la question des migrants, en travaillant sur l'accord global sur les migrations discuté à Marrakech les 10 et 11 décembre 2018.

Le réseau diplomatique
Ces dernières années, le réseau diplomatique du Saint-Siège s'est étoffé. Trois nations ont rejoint le réseau diplomatique du Saint-Siège au cours du pontificat de François. En 2016, la Mauritanie a établi des relations diplomatiques complètes. En 2017, le Myanmar a noué des liens avec le Saint-Siège, ouvrant ainsi la voie au prochain voyage du pape dans le pays. Enfin, en février, le Saint-Siège et Oman ont noué des relations diplomatiques.

Le Saint-Siège entretient désormais des relations diplomatiques avec 184 pays dans le monde. Le Viêt Nam, où le Saint-Siège a actuellement un représentant non résident, devrait bientôt s'ajouter à ces nations.

Les prochains défis
En outre, tout au long de son pontificat, le pape François a souvent mis en garde contre la colonisation idéologique et a défendu les cultures indigènes dans divers discours, notamment lors de ses voyages en Amérique latine et de son dernier voyage au Canada.

Et l'on peut d'ores et déjà prévoir que les prochains discours diplomatiques du pape aborderont de nouveaux sujets, comme l'intelligence artificielle, qui est de plus en plus au cœur des activités.

Andrea Gagliarducci